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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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l’ignore, sire, répondit-il à mon grand soulagement.
    Je m’autorisai à respirer de nouveau. Il n’y avait plus personne pour me raconter mes méfaits.
    —    Des brigands de passage, sans doute, suggéra Ugolin. Ils auront dépouillé la population avant de l’éliminer pour ne pas laisser de traces.
    Je me sentais un moins que rien. Cette atrocité, je l’avais commise en toute connaissance de cause et je m’étais retrouvé en enfer. Je brûlais d’envie de confesser mon péché, mais comment le pouvais-je ? Et à quoi cela m’aurait-il mené, sinon à être rejeté de tous, alors que j’avais cruellement besoin d’eux ? Une fois encore, je me résignai au fait que j’utilisais ceux qui m’étaient fidèles.
    —    Qu’as-tu fait ensuite ? s’enquit Pernelle. Qui a pris soin de toi ?
    —    Personne. Je me suis arrangé seul pendant une bonne année. Le manoir du seigneur était encore debout, alors je m’y suis installé. Il y avait de la nourriture en abondance. Il m’a suffi de décrocher sire Florent, qu’on avait cloué à la porte, et de l’enterrer.
    —    Pauvre enfant. murmura Pernelle en portant ses mains à sa bouche.
    —    Puis un jour, Gerbaut est arrivé avec quelques fidèles. Ils se sont installés et m’ont accepté parmi eux. Ensuite, d’autres sont venus et le village a été rebâti.
    Pernelle s’approcha de lui et posa sa main sur son front.
    —    Tu es brûlant, mon petit, dit-elle. Tu as assez parlé. Il faut te reposer.
    Je n’étais pas naïf. Je savais bien que c’était elle qui ne pouvait plus en supporter davantage. Je la laissai à ses soins et pris congé, traînant plus que jamais le poids de ma conscience.
    Arriva le moment que je redoutais depuis que j’avais aperçu Odon vivant : celui de la séparation de la mère et du fils retrouvé. Car il était hors de question que le garçon nous accompagne. La seule option possible était que Pernelle décide de rester auprès de lui, ce que je comprendrais. La force du lien qui les unissait était perceptible, même si le garçon ignorait être en présence de sa mère. J’avais beaucoup réfléchi à cela et, bien que je ne le souhaitasse pas, je m’étais résigné à l’accepter si tel était son désir. De cette façon, je la laisserais au moins dans un profond bonheur au lieu de l’entraîner vers des aventures dont elle ne ferait que pâtir.
    Dès que le vent fut définitivement tombé, Pierrepont annonça le départ pour le lendemain matin. Après m’être assuré que mes quelques bagages étaient prêts, que Sauvage était en bon état et que le jeune Montfort était bien informé, j’apportai moi-même la nouvelle à mes compagnons. Je pus lire sur le visage de Pernelle, comme dans un livre ouvert, l’angoisse qu’elle lui causait. Visiblement, elle avait envisagé ce moment, elle aussi, et l’avait craint. Maintenant qu’il était venu, elle était déchirée entre le serment des Neuf et la responsabilité qu’elle ressentait envers Odon, qui n’était pas encore un homme et ne le serait jamais tout à fait à ses yeux. Le garçon, lui, parut pris de court et se tourna vers Pernelle, l’air désemparé. Je compris que, pour la première fois depuis l’affreux brasier que j’avais allumé, il avait connu les attentions d’une mère et qu’il répugnait à les perdre. Mon cœur se gonfla de remords et de honte. Ta conscience t’accompagnera et te tourmentera sans cesse, m’avait averti Métatron et il avait eu raison.
    Tassés les uns contre les autres dans l’abri, ni Ugolin, ni Jaume, ni moi ne dîmes quoi que ce soit de plus, embarrassés d’être témoins de la scène qui allait suivre. Pernelle se mordilla nerveusement les lèvres, son regard papillonnant un peu partout sans s’arrêter nulle part. Sa nervosité était palpable et elle prit beaucoup de temps avant de parler.
    — Bientôt, tu seras tout à fait rétabli, finit-elle par dire, avec dans la voix un trémolo que je n’étais pas le seul à percevoir. Si tu voulais, Odon, tu pourrais. venir avec nous ? Je suis petite et mon cheval pourrait aisément nous porter tous les deux.
    Jaume et Ugolin m’adressèrent un regard perplexe. Tout comme moi, ils savaient que ce qu’elle proposait était impossible. Odon ignorait tout de l’Ordre des Neuf et de la Vérité. Sa présence ne ferait que compliquer une tâche qui l’était déjà assez comme ça et l’exposerait au danger. Mais comment

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