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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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coups secouèrent la porte. Elle fut ouverte et Pernelle fit son entrée, digne malgré ses cheveux écharpés et son costume masculin, le dos droit, le menton haut. Un autre soldat de sire Alain referma et vint la rejoindre en secouant une main qui saignait un peu.
    —    Elle était cachée sous le foin, expliqua-t-il. Un peu plus et je l’aurais manquée. Et elle sait mordre, la petite furie.
    —    Ne craignez rien, dame Pernelle, dit Pierrepont. Nous ne vous voulons aucun mal, je vous en donne ma parole.
    —    La parole d’un croisé ne vaut pas l’air qu’il faut pour la formuler, déclara mon amie d’une voix glaciale.
    —    Je comprends votre sentiment, croyez-moi. Mais vous faites erreur. Prenez place. Nous avons de longs palabres devant nous. Après, vous comprendrez.
    Le dernier soldat alla prendre place et les Neuf de Gisors furent sept. Son gobelet à la main, Pierrepont se leva et se mit à arpenter le temple. L’air songeur, il semblait chercher à rassembler ses idées.
    —    Vous aurez compris, je présume, que ceux qui sont ici constituent ce qu’il reste de l’Ordre des Neuf du Nord, commença-t-il.
    Je me gardai de lui offrir une réaction. Il pouvait bien affirmer ce qu’il voulait. J’attendrais des preuves avant de me faire une opinion. Il avala une gorgée de vin et réfléchit un instant, laissant son regard errer dans la pièce.
    —    L’aménagement de ce temple a été commencé sous la direction de Thibaud Payen, comte de Gisors, en l’An du martyre de Jésus 1118.
    Je notai au passage qu’il utilisait l’expression consacrée de ceux qui connaissaient la Vérité pour désigner l’année. Il poursuivit.
    —    Par son nom, vous avez deviné que Thibaud était parent avec sire Hugues, fondateur des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, ainsi que de l’Ordre des Neuf. Son neveu, en fait. On raconte que sire Hugues l’aimait comme un fils et qu’il lui rendait souvent visite. À titre de membre d’une famille fondatrice, le rôle de Thibaud était de préparer l’endroit où une part de la Vérité serait conservée un jour. Plus tard, de 1158 à 1160, trois templiers se sont chargés de le terminer : Robert de Pirou, Tostes de Saint-Omer, le frère de Godefroi de Saint-Omer, un des fondateurs du Temple, et Richard de Hastings. À cette époque, ils avaient la garde de la forteresse pendant qu’on négociait un mariage entre les enfants des rois de France et d’Angleterre.
    Il vint se placer face à moi et m’adressa un regard intense.
    —    Depuis que les événements se sont bousculés en Terre sainte, en 1187, et que Robert de Sablé a décidé d’en éloigner la Vérité, ce temple en abrite la seconde part et l’Ordre des Neuf. Notre mission est la même que la vôtre : protéger la Vérité jusqu’au temps de sa révélation. Ici comme à Montségur, le Magister attend d’être contacté par le Cancellarius Maximus ou par le Lucifer qu’il aura désigné.
    Il s’interrompit, semblant attendre quelque confirmation de ma part, mais je me contentai d’une moue non compromettante, bien décidé à ne rien lui donner. Il n’en parut nullement vexé.
    —    J’ai été initié en l’An 1196, poursuivit-il en marchant lentement autour du temple. Ici même, devant cet autel. Comme toi, j’ai renié la croix et scellé mon serment de mon sang. J’ai juré de défendre ce que nous protégeons au risque de ma vie. Comme toi aussi, sans doute, j’ai été ébranlé par ce que j’ai appris. La Vérité est une chose difficile à affronter, surtout pour un chrétien. Depuis, je sers l’Ordre de mon mieux. J’en suis devenu le Magister onze ans plus tard et le resterai jusqu’à ma mort, ou jusqu’à ce qu’on ne me juge plus capable d’exercer ma fonction.
    Je haussai les épaules, feignant l’indifférence, et bus une gorgée de vin pour me donner une contenance.
    —    Pas besoin de chanter comme un troubadour. Je sais très bien qui tu es, Alain de Pierrepont, dis-je calmement en me remémorant ce que le marchand m’avait appris, en route. Tu as la réputation d’un habile soldat et on te dit courageux jusqu’à l’intrépidité. Tu as combattu auprès de Sa Majesté Philippe II Auguste contre les Anglais, ici même, devant Gisors. Dans la défaite, on raconte que tu lui as sauvé la vie en te faisant passer pour lui et que tu as chèrement payé pour ton courage. Tu as été blessé par

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