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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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la surface intérieure du puits, je me mis à descendre, marchant littéralement à reculons sur la paroi du puits. Arrivé à la hauteur de l’échelle, je posai un pied sur le premier barreau, puis sur un second et un troisième. Dès que je le pus, j’agrippai fermement un barreau de la main et laissai aller la corde.
    —    J’y suis, dis-je lorsque je me sentis en sécurité. Laissez-moi une minute pour prendre les devants, puis envoyez Ugolin.
    Je réalisai vite que descendre une échelle avec une seule main n’était pas une mince affaire, et mes progrès furent plus ardus que je ne l’avais anticipé. J’étais enfin près du but et il eût été trop bête de chuter et de me rompre les os. Tous les deux ou trois barreaux, je m’arrêtais pour tendre la torche vers le bas, espérant apercevoir le fond, mais sans succès. Le puits semblait vraiment s’enfoncer jusqu’au centre de la terre et mon bras droit commençait à fatiguer. J’aurais voulu changer de main, mais mon infirmité rendait la chose impossible. Jamais ma senestre n’aurait pu retenir mon poids.
    Au-dessus de ma tête, je vis bientôt Ugolin, qui descendait à son tour, sa torche m’indiquant sa position dans le noir. Ce ne fut qu’après plus de cinquante barreaux que mes pieds touchèrent enfin un sol ferme.
    — Je suis au fond, dis-je au Minervois, qui se trouvait quelques toises plus haut. Attends un peu.
    Il s’immobilisa sur un barreau et j’observai l’endroit où je me retrouvais. J’avais de l’eau jusqu’aux chevilles. Le puits donnait sur une pièce rectangulaire qui avait été immergée depuis 1187 et dont l’existence était demeurée ignorée de tous. Il ne s’agissait pas d’un lieu taillé à même le roc, mais bien d’une structure construite de main d’homme. Ses murs luisants d’eau étaient faits de pierres si méticuleusement ajustées qu’elles n’avaient nécessité aucun mortier et que je n’aurais pas pu glisser la lame de ma dague entre deux d’entre elles. Au bas de celui de gauche, je pus apercevoir une trappe carrée d’environ une coudée de côté. Elle était ouverte. En m’approchant, je constatai qu’elle était munie d’une dalle de pierre rabattue sur le sol et reliée à l’intérieur du mur par une barre de fer. Je compris qu’il s’agissait du mécanisme actionné par l’anneau de la margelle et que c’était par là que l’eau s’était échappée. Il en découlait qu’un mécanisme similaire était installé dans la fosse du temple. La seule explication était que la dalle de pierre qui formait le fond était mobile et s’abaissait simultanément pour laisser pénétrer l’eau évacuée du puits. Lorsque l’anneau était remis à sa place, le mouvement était inversé. L’eau jaillissait par la trappe et le puits se remplissait de nouveau. En ce moment même, le cadavre de Baroche devait flotter quelque part entre les deux.
    Tout cela ne retint pas mon attention très longtemps. Car, dans une arche massive du mur opposé se trouvait une autre dalle aux dimensions d’une porte. Sur la clé de voûte qui soutenait la structure était gravée une inscription : Lux e Tenebris 3 . La présence du sceau du Cancellarius Maximus, sculpté en ronde-bosse à la hauteur des yeux, coupa court à mes interrogations. C’était là que nous devions aller et l’anneau de fer placé en son centre m’indiquait la façon de le faire.
    —    Tu peux venir ! criai-je à Ugolin. Et qu’on fasse suivre les autres !
    Ugolin descendit les derniers barreaux de l’échelle et, une fois arrivé en bas, examina à son tour les lieux. Peu après, Guillot apparut, posant maladroitement les pieds sur un barreau, puis sur un autre. D’en bas, j’avais une vue imprenable sur les grelots qui pendaient sous sa bure et, l’espace d’un instant, j’éprouvai l’envie d’y fourrer ma torche, histoire de lui faire partager les sensations des gens qu’il brûlait impunément sur le bûcher. Je jetai un coup d’œil vers Ugolin et compris, à son air amusé, qu’il avait envisagé la même chose. Je soupirai, résigné à me priver de ce petit plaisir. Lorsqu’il atteignit le fond, le moine fit une moue dégoûtée en posant ses pieds chaussés de simples sandales dans l’eau froide et boueuse.
    Nous attendîmes que Pernelle nous ait rejoints et, lorsque ce fut fait, nous restâmes tous là, immobiles et sans voix, nos quatre torches brandies, à regarder la porte.

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