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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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une dernière fois devant les torches pour admirer le visage qui s’y trouvait. Ieschoua avait l’air si tranquille. Je l’enviais. Lorsqu’il y avait reposé, il n’avait pas soupçonné qu’on érigerait une monumentale supercherie sur sa vie. Il avait seulement fait ce qu’il croyait devoir faire et seule la loyauté de ses disciples l’avait sauvé. J’avais la conviction qu’il ne leur avait pas demandé de courir ce risque pour lui. Cet homme avait su vivre et je ne doutais pas qu’il avait affronté la mort avec courage, les yeux bien ouverts. Je me demandais ce qu’il pouvait bien penser de toute cette histoire, là où il se trouvait. Une pensée me vint soudain.
    —    Pernelle ? fis-je.
    —    Quoi ? demanda-t-elle en s’approchant sur ma droite.
    Je désignai le visage endormi.
    —    Les cathares ont la certitude que nous vivons tous des incarnations multiples. Tu crois qu’il s’est réincarné, lui aussi ?
    —    Je ne sais pas, répondit-elle après avoir réfléchi. Il était un mage, certes, mais aussi un guerrier. Il a relevé des défunts d’entre les morts et guéri des malades, mais il avait sans doute beaucoup de sang sur les mains. Dieu aura jugé ses contradictions en conséquence, je suppose.
    Avec le plus grand respect, je repliai le suaire, soucieux de ne pas endommager un objet si ancien et si important, pour lequel tant de sang avait été versé et qui constituait la preuve tangible et précieuse d’un mensonge millénaire. Puis je le remis dans le sac de cuir. Je roulai ensuite les deux parchemins avec le même soin et ramassai la note du frère Baroche. Je replaçai le tout dans le tube, que je rebouchai.
    —    Partons, dis-je. Et soyez prudents.
    Nous nous mîmes en route dans la cathédrale, l’un derrière l’autre. Nous laissâmes la chapelle pleinement éclairée. Il était probable que plus personne n’y viendrait jamais et il était futile de ménager les torches. Elles se consumeraient. La Lumière quittait cet endroit et il était juste que les Ténèbres s’y installent pour l’éternité.
    Comme nous connaissions tous les pièges qui ponctuaient le parcours, notre retour jusqu’au fond du puits fut prudent, mais dénué d’événements. Pendant les quelques minutes de trajet, personne ne dit mot. Nous étions tous rentrés en nous-mêmes, chacun contemplant sans doute la suite des choses comme il l’entrevoyait.
    Lorsque nous arrivâmes dans la pièce rectangulaire qui formait le fond du puits, tout en haut, le jour commençait à poindre. Le ciel, que je pouvais apercevoir dans l’ouverture circulaire, n’était déjà plus tout à fait noir et les étoiles y pâlissaient.
    —    Si nous ne voulons pas passer la journée ici, nous ferions mieux de nous hâter, remarqua Ugolin.
    —    Tu as raison. Monte en dernier et assure-toi que Pernelle ne perde pas pied.
    —    Entendu.
    Le géant saisit l’anneau et, bandant ses muscles, tira dessus pour refermer la lourde porte de pierre. Puis il le fit pivoter vers la droite. Jusqu’à nouvel ordre, peut-être pour toujours, la cathédrale souterraine, taillée à même le roc par des hommes de grande conviction, resterait scellée.
    Je glissai dans mon ceinturon l’enveloppe de cuir contenant le suaire et le tube renfermant les parchemins. Puis je saisis le premier barreau de l’échelle dans ma main saine. Même si j’avais peur de ce qui suivrait, ma tâche devait être menée à terme. En temps et lieu, je ferais face aux conséquences. J’hésitai encore un instant puis me décidai à monter.
    L’enthousiasme étant plus fort que la fatigue, le voyage de retour fut beaucoup plus rapide et, en quelques minutes, j’émergeai sur la margelle. En me voyant surgir, Pierrepont et Jaume sursautèrent comme des enfants auxquels un mauvais plaisant aurait fait peur.
    —    Tu aurais pu avertir, me reprocha le templier. Un peu plus et je me retrouvais pâmé comme une jouvencelle effrayée.
    —    Désolé, dis-je avec mon plus beau sourire. La prochaine fois que je remonterai des entrailles de la terre, je prendrai soin d’envoyer un messager.
    J’enjambai le rebord du puits et vis le regard de sire Alain se poser sur ce que je transportais. Son visage devint grave.
    —    Alors ? demanda-t-il en ravalant sa salive avec anxiété.
    —    Nous avons trouvé la seconde part, l’informai-je triomphalement en retirant l’enveloppe et le tube de mon

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