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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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son dos. Autour de chaque blessure se trouve une tache foncée qui indique qu’elles ont saigné pendant que Ieschoua reposait dans le linceul, qui en a été imbibé. Vous les voyez, ici, ici, là et là ?
    Ugolin, Guillot et moi hochâmes simultanément la tête sans qu’aucun de nous ne sache où elle voulait en venir.
    —    Les blessures aux poignets et aux pieds ont saigné après qu’on en eut retiré les clous, précisa-t-elle.
    —    Et alors ? demandai-je.
    —    Alors, Gondemar, fit patiemment mon amie, le sang est pompé par le cœur. Ne me demande pas comment. Personne ne le sait. Sans doute est-il animé par la Lumière divine. Mais ce qui est certain, c’est que le cœur d’un homme mort ne bat plus. Partant, un homme mort ne saigne pas. Si Ieschoua a saigné dans son linceul, c’est qu’il était en vie, tout simplement.
    Sonné, l’espoir revenant en moi, je reportai mon regard vers l’image. J’avais fait couler beaucoup de sang durant ma courte vie et j’avais eu amplement l’occasion d’observer le phénomène que décrivait mon amie. Chaque fois que j’avais percé un adversaire de mon épée, il avait saigné. Mais jamais encore je n’avais vu un mort se vider de son sang.
    —    Continue, dis-je d’une voix étranglée.
    —    Dans sa lettre, Joseph d’Arimathie dit que Ieschoua a été laissé trois heures sur la croix après qu’on l’a cru mort, non ? demanda-t-elle.
    —    Oui, répondis-je.
    —    Et la Bible le confirme, ajouta pompeusement Guillot. Et erat iam fere hora sexta, et tenebræ factæ sunt in universa terra usque in horam nonam 3 .
    Pernelle jeta au moine un regard impatient et il se tut.
    —    Dans certaines conditions, particulièrement lorsqu’il y a eu beaucoup de souffrance avant la mort, trois heures suffisent amplement pour qu’un cadavre commence à se raidir, reprit-elle, d’un ton professoral qui me rappelait celui du père Prelou lorsqu’il m’enseignait l’écriture, le calcul et la Bible. Ne me demande pas comment, cela non plus, je ne saurais le dire. Mais c’est un fait bien connu. Il se fige alors dans la position où il se trouve et on n’arrive pas à le déplier sans lui casser les os ou lui démettre les articulations.
    Elle posa la main sur l’image de Ieschoua et la laissa lentement glisser le long de ses bras, puis de ses jambes.
    —    Or, regarde-le. Il a l’air paisible et ne donne aucun signe de cette rigor mortis 4 . Ses mains sont simplement déposées l’une sur l’autre. Ses bras ne semblent pas vouloir reprendre la posture qu’ils avaient sur la croix. Ses jambes sont droites, alors qu’elles seraient pliées aux genoux s’il était mort crucifié. On n’y sent pas de résistance et, de toute évidence, aucun membre n’a été rompu ou disloqué pour être mis dans cette position.
    Elle revint vers moi et vrilla ses yeux dans les miens.
    —    Gondemar, dit-elle, la voix tremblante d’émotion et les yeux mouillés, cette image est celle d’un homme dont le cœur battait et dont le sang circulait dans les veines. Il avait été male-menté, certes. Il était gravement blessé et inconscient, mais bien vivant.
    Saisie d’une passion que je ne lui avais jamais connue, elle prit mon visage entre ses mains.
    —    Joseph d’Arimathie disait vrai ! Tout ce que je viens de te décrire, il le savait. Jamais il n’y aura preuve plus parfaite de la Vérité que ce linceul ! Il démontre hors de tout doute que le mythe de la Résurrection est une fausseté.
    Aux prises avec une excitation débordante, elle se mit à marcher frénétiquement de long en large, oubliant l’austérité exigée par son statut pour gesticuler comme une démente.
    —    L’Église chrétienne se plaît à accuser les Juifs d’avoir tué le Fils de Dieu. Elle utilise ce prétexte pour les persécuter à la première occasion, les chasser et leur prendre tout ce qu’ils possèdent. Mais puisque personne n’est mort, ils sont innocents ! déclara-t-elle à Guillot, toujours juché sur l’autel, l’extrémité du suaire entre ses mains tendues.
    Le moine la regarda se démener et sembla se demander si un exorcisme ne serait pas de mise.
    —    Par la simple image sur ce linceul, tout ce qui justifie le pouvoir du pape sur autrui tombe en poussière !
    Elle s’immobilisa devant Ugolin, lui empoigna le visage et planta un gros baiser bruyant sur chacune de ses joues. Médusé, le

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