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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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sèchement.
    —    Fort bien. Je peux comprendre ton point de vue. Prévois-tu nous laisser comme ça encore longtemps ?
    —    Aussi longtemps qu’il le faudra.
    De longues minutes s’écoulèrent sans que la tension ne diminue. Entre mes épaules, l’endroit que visaient les archers me chatouillait. Je savais pertinemment qu’Ugolin, sous ses airs indifférents, était prêt à bondir à la moindre occasion. Je le connaissais assez pour savoir que, comme moi, il avait déjà calculé la distance à franchir pour se saisir de notre interlocuteur et l’utiliser comme bouclier humain. Je savais aussi que contre six archers, cela serait insuffisant et que Pernelle, elle, resterait toujours vulnérable. Nous ne pouvions qu’attendre.
    L’arrivée d’un jeune homme essoufflé mit fin au silence malaisé.
    —    Je n’ai vu personne d’autre, Viau, annonça-t-il. Ils semblent être seuls.
    Le vieillard se détendit un peu.
    —    N’aie crainte, il n’y a que nous trois, lui confirmai-je. Nos intentions sont honorables.
    —    Bien, fit l’homme, en faisant signe à ses archers d’abaisser leurs armes.
    Soulagé, je laissai échapper un soupir.
    —    L’arrivée de croisés n’annonce jamais rien de bon, expliqua-t-il. Et rares sont ceux qui voyagent à deux, en compagnie d’une dame.
    —    Je comprends.
    Je lui tendis la main.
    —    Je suis. Gontier, dis-je en donnant le premier nom qui me passa par la tête. Et voici Huguet. Nous escortons dame Parise vers Gisors, à la demande expresse de sire Simon de Montfort, chef des forces croisées dans le Sud.
    —    Je vois., répondit l’autre, toujours méfiant, sans accepter ma dextre. C’est bien loin, Gisors.
    —    Ce sont mes ordres. Si vous avez un forgeron, nous repartirons dès que mon cheval sera ferré. Et si vous avez quelques provisions, j’en serais bien aise. Je paierai pour tout.
    —    Vraiment ? Tu ne serais pas le premier à prétendre cela pour ensuite repartir avec tout ce que nous possédons. Avec quoi entends-tu payer ?
    Je détachai la bourse d’Estève de ma ceinture, la posai dans ma main gantée, que j’arrivais maintenant à ouvrir sans trop de mal, l’ouvris avec l’autre et en tirai une pièce d’or.
    —    Voici un acompte. Tout excédent sera versé une fois la besogne terminée.
    Les yeux du vieil homme s’allumèrent de convoitise et il saisit la monnaie de sa main calleuse.
    —    Nous avons un forgeron, confirma-t-il enfin, un peu amadoué.
    Il se tourna vers l’homme au marteau et au tablier qui se tenait toujours un peu en retrait derrière lui.
    —    Goubert, vois ce que tu peux faire pour sa bête.
    L’autre s’avança, saisit la bride de Sauvage et l’entraîna.
    —    Suis-moi, marmotta-t-il.
    Je lui emboîtai le pas.
    —    De quoi avez-vous besoin ? entendis-je le vieillard s’enquérir derrière moi.
    —    Il ne peut pas parler. Il est muet, fit la voix de Pernelle. Et un peu simplet, aussi, ajouta-t-elle sur le ton de la confidence.
    Je ne pus m’empêcher de sourire au son de cette espièglerie, imaginant le visage d’Ugolin devenir écarlate.
    —    Si tu as du pain, nous sommes preneurs, poursuivit-elle. Un peu de viande et du lard ne feraient pas de tort non plus. Et du fromage, des oignons. Sinon, nous nous contenterons de farine jusqu’au prochain village.
    —    Tu as les goûts bien riches, répondit Viau.
    —    Point. Mais tu as vu la taille de notre compagnon ? Il mange comme trois.
    —    Sans doute. Nous verrons ce que nous pouvons faire.
    Je m’éloignai en sachant que mon amie était parfaitement capable de voir à notre approvisionnement. Goubert, le forgeron, me mena à sa boutique. La forge ronflante au centre et ses outils suspendus aux murs me rappelèrent celle de Montségur, où Memento était née de ma sueur et de mon labeur. L’endroit eut aussi l’avantage de me réchauffer et de sécher mes vêtements pour la première fois en trois jours, ce qui n’était pas superflu. Déjà, l’humidité montait en volutes de ma capeline.
    —    C’est la patte avant droite, l’informai-je.
    —    Tiens-le tranquille pendant que je regarde ça, commanda-t-il.
    Quelques caresses sur le museau et des murmures affectueux suffirent à calmer Sauvage. Comme j’avais si souvent vu faire le forgeron de Rossal, Goubert se pencha et replia la patte blessée de façon à ce que le sabot lui

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