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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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la saisis et la serrai. Puis il s’en fut sans rien ajouter. Je me dirigeai vers la maison pour rejoindre les autres.
    Lorsque j’entrai, je percutai presque Pernelle et Ugolin, qui étaient restés plantés sur le seuil. J’avais à peine passé la porte qu’un énorme chat tacheté se planta devant moi, fit le dos rond et cracha furieusement, comme si j’étais le diable en personne, avant de me passer entre les jambes pour s’enfuir. Dès que je fus à l’intérieur, je constatai que l’endroit était tout à fait à l’image de sa propriétaire.
    L’air de la maison était enfumé et étouffant de chaleur en raison du feu qui ronflait dans l’âtre. Il régnait dans la pièce une épaisse odeur d’herbes, d’épices, de saleté et de pourriture. Des amulettes, semblables à celles qu’avait fabriquées Daufina, étaient accrochées au-dessus de la porte et de toutes les fenêtres. Une multitude de crucifix étaient disposés sur les murs et sur les meubles, certains portant un corpus de plâtre, d’autres confectionnés maladroitement avec des branches et de la ficelle. Des tablettes ployaient sous le poids de pots, de cruches et de boîtes remplies de ce qui me sembla être des onguents, des potions et des poudres de tout acabit. Un peu partout, d’étranges symboles qui m’étaient inconnus avaient été tracés à la craie ou maladroitement gravés dans le bois avec un couteau. Des boisseaux d’herbes sèches étaient suspendus aux poutres du plafond. Les coins et les angles de la pièce étaient couverts de toiles d’araignées épaisses accumulées depuis des années.
    Je réalisai que les intérêts de notre hôtesse allaient au-delà de l’herboristerie lorsque je repérai des crapauds et des serpents séchés sur la table. Puis j’aperçus une série de crânes et d’ossements d’animaux alignés sur une tablette au fond de la pièce. Un peu partout, des mouches bourdonnaient. La seule chose normale était une vieille paillasse sur le plancher, près de la cheminée. Au fond, sur notre gauche, une porte donnait sur la seule autre pièce de la maison.
    Ugolin, pâle comme un drap mortuaire, recula de quelques pas pour venir se tenir près de moi.
    —    Elle ne serait pas un peu sorcière, des fois ? murmura-t-il pour moi seul.
    —    Cela, ou alors elle est complètement folle, grommelai-je, pas tout à fait tranquille. Et souviens-toi que tu es muet, bougre.
    Pernelle, elle, semblait parfaitement calme. Les mains sur les hanches, elle considérait tout ce capharnaüm d’un œil intéressé.
    —    Entrez, entrez, fit Tyceline en agitant frénétiquement la main. Ne faites pas attention à tout ça. C’est pour éloigner la maladie, vous comprenez ? C’est dangereux, la maladie. Très dangereux.
    Son visage prit une expression inquiète et renfrognée.
    —    Vous n’êtes pas malades ?
    —    Non, la rassura patiemment Pernelle. Nous sommes en santé.
    —    Ah, c’est mieux. Parce que la maladie m’a pris mon Belin et ma petite Edelinne...
    Avant qu’elle ne se remette à se ronger les ongles, Pernelle s’avança vers elle.
    —    Cela a dû te faire beaucoup souffrir. Tu es bien bonne de nous accueillir chez toi. Nous y serons très bien, j’en suis sûre.
    —    Putain de Dieu. grogna Ugolin entre ses dents.
    Mon amie se tourna vers nous.
    —    Messieurs, pourquoi n’allez-vous pas faire une promenade ? suggéra-t-elle avec un air entendu.
    —    Une. promenade ? répétai-je, interloqué.
    —    Oui, une promenade. Tyceline et moi en profiterons pour faire plus ample connaissance. N’est-ce pas, Tyceline ?
    Soudain radieuse de se faire traiter avec gentillesse, la simplette sourit béatement, découvrant une bouche ornée de chicots noirâtres.
    —    Bon, si c’est ce que tu veux.
    —    Allez, ouste, railla Pernelle.
    Ugolin et moi ne nous fîmes pas prier davantage et sortîmes, trop heureux de quitter cet endroit oppressant.
    —    Tu crois que nous devrions laisser dame Pernelle seule avec cette énergumène ? s’inquiéta le Minervois, après avoir vérifié que personne ne le voyait parler. Par le saint nom de Dieu, elle va nous la maléficier et la transformer en crapaud.
    —    J’ai appris depuis longtemps à ne pas contredire cette petite furie, répondis-je en souriant. Quant à la transformer en quoi que ce soit, je doute qu’il existe un sorcier sur cette terre qui puisse venir à bout de

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