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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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arrive entre les jambes. Puis, à l’aide de sa dague, il en gratta la surface pour la libérer de la boue séchée, et l’examina.
    —    Il a perdu son fer, en effet, décréta-t-il, mais un caillou s’est logé dans un des trous laissés par les clous et son sabot s’est infecté.
    —    Tu en es certain ?
    —    Vois toi-même.
    Hormis les monter avec talent, qualité que je devais à Bertrand de Montbard, je ne connaissais que peu de choses aux chevaux, mais pour sauver les apparences, je fis mine d’examiner le sabot. J’y aperçus sans difficulté un abcès gorgé de sang. Lorsque j’eus hoché gravement la tête pour signifier que j’avais compris, l’homme reposa doucement la patte par terre et tapota familièrement la croupe de Sauvage.
    —    C’est une brave bête. J’en ai connu qui m’auraient lancé une ruade pour bien moins.
    —    Tu peux le remettre en état ?
    Le forgeron hocha la tête, sûr de lui.
    —    Ce n’est rien de grave. Il faut crever l’abcès pour évacuer le pus, puis y mettre un cataplasme. Si tout va bien, je pourrai le ferrer demain.
    —    Je n’ai pas ce loisir, fis-je, contrarié. Je dois poursuivre ma route.
    —    Alors tu peux continuer à pied. Lui ne fera pas une lieue de plus dans cet état.
    —    Soit, soupirai-je, résigné. Fais ce que tu dois.
    Visiblement plus à l’aise avec moi, il désigna du menton ma senestre gantée.
    —    Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
    —    Un coup d’épée me l’a fendue, mentis-je.
    —    Les joies de la vie de soldat, j’imagine. Moi, ce sont les brûlures de la forge qui me picotent la poitrine et les bras. Sans compter les côtes que des chevaux m’ont cassées trois ou quatre fois. Chacun ses blessures de guerre. Elle ne fonctionne plus du tout ?
    —    La peau est aussi sèche que l’entrecuisse d’une cloîtrée. Elle bouge de mieux en mieux, ajoutai-je en lui en faisant la démonstration, mais je crains qu’elle ne me serve plus à grand-chose.
    —    Embêtant, pour un homme de guerre. Mais quelque chose me dit que, même avec une seule main, il vaut mieux ne pas se frotter à toi si on n’aime pas être piqué, dit-il en riant. Tu m’as l’air d’un joyeux bretteur.
    —    On me l’a déjà laissé entendre, oui.
    Je caressai la crinière de Sauvage, qui s’ébrouait et vint coller son museau dans mon cou.
    —    Prends-en bien soin. Je l’ai depuis mes seize ans et j’y suis très attaché.
    —    Je te comprends, répondit Goubert. C’est un superbe animal. Je te le rendrai en bon état et il te portera jusqu’à Gisors sans problème.
    Il se rendit à l’un des murs et sélectionna un outil pointu dont il testa l’extrémité du doigt.
    —    Au fait, demanda-t-il, que va donc faire cette dame à Gisors ? Ce n’est quand même pas à côté.
    —    Je l’ignore, rétorquai-je. Montfort m’a ordonné de l’y escorter et c’est ce que je fais.
    —    Si la moitié de ce qu’on dit de lui est vrai, il vaut mieux lui obéir au doigt et à l’œil, à celui-là. Il est du genre à t’arracher un bras et à le manger saignant au moindre écart de conduite.
    —    Et ce ne serait que le premier service, confirmai-je. Il garderait le foie et le cœur comme plat principal !
    Goubert s’esclaffa de bon cœur.
    —    Tu as besoin d’aide ? demandai-je en désignant la patte de Sauvage, désireux de changer de sujet avant de m’égarer dans mes propres mensonges.
    —    Non, ça ira. Il ne sentira rien.
    —    Bon, alors je vais rejoindre mes compagnons. Tiens-moi au courant.
    —    Ne t’inquiète pas. J’en prendrai soin comme des fesses roses d’une pucelle.
    Je m’esclaffai à mon tour et sortis alors que Goubert s’approchait de la patte de Sauvage, son instrument à la main. Je devais annoncer cette nouvelle contrariété à Pernelle et à Ugolin. Je les trouvai en train de négocier ferme pour quelques pains rassis à l’allure douteuse auxquels une jeune femme semblait tenir comme à la prunelle de ses yeux maintenant qu’elle savait qu’ils valaient leur pesant d’or. Je m’approchai et posai la main sur l’épaule de mon amie, ce qui la fit sursauter.
    —    Pas la peine de marchander à la hâte. Nous sommes coincés ici jusqu’à demain.
    Je lui expliquai la situation et fus amusé de voir le visage de la vendeuse se décomposer lorsqu’elle réalisa que ses

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