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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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son caractère. Elle n’aurait qu’à brandir l’index et à le tancer pour qu’il se recroqueville comme un enfançon tremblant.
    Ugolin ricana malgré lui.
    —    Allons plutôt prendre soin de nos chevaux.
    Il nous fut facile de trouver l’étable dans le minuscule village et nous passâmes l’après-midi à étriller nos montures qui, après toute cette route, en avaient bien besoin. Nous en profitâmes pour réparer la selle d’Ugolin, dont l’étrier usé menaçait de se détacher. Puis nous trouvâmes du foin que nous offrîmes aux chevaux.
    —    Nul doute qu’on nous le fera payer, remarquai-je.
    —    Au moins, ils mangent, eux. Mordieu, nous n’avons rien avalé depuis hier. Je crève de faim.
    —    J’imagine que Pernelle est en train de voir à cela.
    —    Je préfère jeûner jusqu’au prochain village que d’avaler quoi que ce soit chez cette écervelée. Dieu seul sait ce qu’elle met dans ses chaudrons.
    —    Peut-être que tu te découvriras un faible pour les crapauds.
    Ma petite sornette ne le fit pas rire. Les bêtes achevaient leur
    repas lorsque Goubert entra. Ugolin reprit aussitôt son rôle de muet.
    —    Sire Gontier, je me doutais que je te trouverais ici, dit-il. Tu as demandé d’être tenu au courant.
    —    Oui ? demandai-je anxieusement.
    —    Ne crains rien. Il va bien. L’abcès est crevé et propre. Il était moins infecté que je le croyais. Je pourrai le ferrer demain matin, comme prévu. Puisque tu sembles pressé, j’ai pensé que tu serais content de l’apprendre.
    Nous le raccompagnâmes jusqu’à sa boutique, où je constatai par moi-même que Sauvage se portait bien. Il fut à son tour étrillé et nourri. Cela constituant notre ultime prétexte et nos estomacs criant famine, nous dûmes nous résoudre à retourner à notre gîte.
    Lorsque nous entrâmes, je crus d’abord m’être trompé de maison. En quelques heures, l’endroit avait changé du tout au tout. On aurait cru qu’une bonne fée était passée et qu’en quelques coups de baguette magique, elle avait tout nettoyé de fond en comble. La table avait été débarrassée de ses animaux séchés. La petite fenêtre ouverte laissait entrer l’air frais qui chassait un peu la puanteur, et les mouches semblaient en avoir profité pour s’enfuir. Les toiles d’araignée étaient parties. Le fatras sur les tablettes montrait un début d’ordre. Dans l’âtre, un chaudron dégageait un fumet invitant. Même le chat, qui sommeillait roulé en boule sur un banc, semblait approuver ces changements.
    Souriante, Pernelle nous ouvrit les bras.
    —    Ah ! Vous voilà enfin ! Si ces messieurs veulent bien prendre place, dit-elle d’un ton taquin en désignant la table, le repas sera bientôt servi. Tyceline et moi l’avons préparé de nos propres mains.
    —    Et où elle est, la folle ? l’interrogea Ugolin en regardant partout, méfiant.
    —    Tu parles de Tyceline, je présume, gros malgracieux ?
    —    Tu as vu une autre folle dans ce village ?
    —    Sache, espèce de malotru, qu’elle est fort bien intentionnée. En ce moment même, elle est partie vous chercher une surprise. Et elle n’est pas aussi pauvre d’esprit que tu le crois.
    —    Vraiment ? Et comment le sais-tu ? demandai-je.
    —    Parce que j’ai pris le temps de parler avec elle, tout simplement. Elle est blessée, la pauvresse. La fièvre l’a dépouillée de tout : son homme, son enfant et même une partie de sa raison. Peut-on la blâmer de chercher la protection dans la magie ? Mais elle ne ferait pas de mal à une mouche. Elle a seulement besoin d’être écoutée. Bon, elle est un peu. excentrique, je l’admets.
    —    Complètement, sotte et obsédée, oui. lâcha le Minervois. M’est avis qu’un petit exorcisme.
    Sur l’entrefaite, Tyceline surgit dans la pièce, souriante, un petit baril dans les mains, et Ugolin se tut aussitôt.
    —    Mon père avait encore un peu de bière, déclara-t-elle, l’air ravi. C’est bon contre la maladie, la bière.
    Elle déposa le contenant sur la table et Ugolin, soudain assoiffé, s’affaira à l’ouvrir pendant que Pernelle nous servait un potage aux légumes dans lequel flottaient de beaux morceaux de viande et de lard. Affamés, nous nous jetâmes dessus. Pendant le repas, nous discutâmes. Bien que Tyceline nous demandât à plusieurs reprises si nous étions malades et que son regard

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