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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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aucun signe d’avoir même ouï sa question. Me doutant
    bien que, dans cet état, lui faire entendre raison était peine perdue, je la contournai et sortis avec Ugolin et Pernelle. Le jour se levait à peine, mais le village était en effervescence. Les hommes étaient réunis en conciliabules animés par des discussions inquiètes. Je repérai Viau et me dirigeai vers lui.
    —    Que se passe-t-il ?
    —    Des croisés qui remontent vers le Nord. Leur quarantaine est terminée.
    —    Ils sont près d’ici ?
    —    À quelques minutes tout au plus, Bonnin les a vus en menant ses moutons en pâture.
    —    Putain de Dieu ! grondai-je.
    L’avertissement colérique de Métatron, formulé durant ma maladie, résonna dans ma tête, aussi puissant que le bourdon d’un clocher. Qu’attends-tu pour te lever et te remettre en marche, damné ? En ce moment même, la seconde part de la Vérité est en danger, au milieu de ses ennemis ! Crois-tu qu’ils ne la cherchent pas ? Ils la cherchaient, évidemment, et depuis longtemps. Et chacun de mes retards leur donnait encore plus de temps. Si les croisés nous devançaient, nous serions encore ralentis. Nous devions partir sans tarder.
    Je n’eus pas besoin de dire quoi que ce soit à Ugolin. Il empoigna Pernelle et l’entraîna précipitamment vers l’étable pendant que je m’empressais vers la boutique du forgeron. Goubert n’y était pas, mais Sauvage, oui, et fraîchement ferré, tel que promis. Je tirai deux pièces de ma bourse, dont le volume diminuait distinctement, et les posai près de l’enclume, où le brave homme les trouverait assurément. Puis je sellai ma monture à la hâte en maugréant contre ma senestre malhabile. Dès que j’y fus parvenu, j’empoignai les rênes et retournai sur la place, où le Minervois et mon amie m’attendaient, déjà en selle et prêts à partir. Je constatai que Pernelle avait même eu le temps de négocier quelques provisions, qu’elle avait attachées dans un sac de toile au pommeau de sa selle. Je sortis trois autres pièces et les remis à Viau.
    —    Ça suffira ?
    —    Amplement, dit-il en les regardant.
    —    Nous devons partir. Merci pour tout.
    —    Vous êtes empressés de rejoindre les vôtres, je suppose.
    —    Oui, c’est ça. Le reste du voyage sera plus sûr ainsi.
    Je montai en selle.
    —    Je te le souhaite.
    Nous nous élançâmes au galop sans regarder derrière. Dès que nous fûmes en vue de la route, au loin, nous freinâmes tant que nos montures se cabrèrent. Une procession formée de quelques centaines de croisés et de leur suite se déployait devant nous et remplissait la route que nous devions prendre. Il était trop tard.
    Nous ne pouvions plus les devancer. Soit nous attendions qu’ils passent leur chemin et nous leur donnions une avance suffisante pour ne pas les rattraper, ce qui nous causerait un retard considérable, soit nous nous joignions à eux.
    Les croisés se chargèrent de mettre eux-mêmes un terme à mes hésitations. Pendant que défilait la masse des troupes, un groupe s’en détacha subitement et fonça vers le village. L’épée au clair, ils affichaient clairement leurs intentions.
    —    Ils viennent piller le village, déclara sombrement Ugolin.
    Je regardai tout autour, à la recherche d’un endroit où nous cacher. La forêt était proche. En nous hâtant, nous y arriverions avant qu’on nous remarque.
    —    Suivez-moi ! ordonnai-je.
    —    Quoi ? s’écria Pernelle. Nous devons prévenir les habitants !
    —    Pour quoi faire ? Un avertissement ne les sauvera pas. Ils ne pourront jamais résister à une quarantaine de soldats bien armés.
    —    Ils auront au moins une chance de s’enfuir ! protesta mon amie de ce ton indigné que je connaissais bien.
    —    Ce que les gens du Nord se font entre eux ne regarde qu’eux, dame Pernelle, renchérit Ugolin. N’oublie pas la mission de l’Ordre des Neuf. La Vérité a priorité sur tout et nous lui devons fidélité.
    Nous fîmes mine de nous mettre en marche vers la forêt, mais Pernelle, entêtée, resta résolument en place.
    —    Je m’en fiche, de la Vérité ! Ces pauvres villageois sont aussi innocents que tous les pauvres hères qui ont été passés par l’épée dans le Sud ! Que cela vous plaise ou non, je ne laisserai pas un massacre se commettre si je peux l’empêcher !
    —    Après deux années de cette

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