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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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folie meurtrière, tu devrais savoir qu’il est impossible de sauver tout le monde ! m’enrageai-je. Cesse de rêver et viens !
    —    Qui tacet, consentire videtur 1 ! s’indigna Pernelle.
    M’avait-on affligé d’une conscience pour que je n’en tienne
    pas compte ? Une fois de plus, mon amie décida pour moi et me plaça sur la voie de mon destin.
    —    Agis comme bon te semble, Gondemar de Rossal, ragea-t-elle. De toute manière, tu n’as jamais fait autre chose. Pour ma part, il ne sera pas dit que je laisse mourir ceux que je peux sauver.
    Sur ce, elle fit faire demi-tour à sa monture et fila au galop vers le village.
    —    Bordel de Dieu, grommelai-je. Cette fille et sa maudite tête de mule me feront perdre la raison.
    Je jetai un coup d’œil en direction des croisés qui approchaient. Cette discussion inutile nous avait fait perdre un temps précieux et il était trop tard pour nous réfugier dans les bois. Furieux, j’éperonnai Sauvage et nous nous lançâmes à la poursuite de Pernelle. Cette fois, j’étais bien décidé à lui tanner les fesses dès que je l’aurais rattrapée. Ses convictions personnelles étaient nobles, certes, mais j’avais d’autres chats à fouetter. En faisant à sa tête, elle risquait de m’empêcher de retrouver la seconde part. Malheureusement, la petite peste avait pris une bonne avance et je ne la rattrapai qu’à l’entrée du village.
    —    Fuyez ! Des croisés viennent vous piller ! Sauvez vos vies ! hurla-t-elle à pleins poumons.
    J’aperçus Viau qui se mit à gesticuler en beuglant des ordres. Aussitôt, la population s’organisa dans un calme relatif. Les femmes sortirent des maisons, regroupèrent leur progéniture et se mirent à fuir vers les bois environnants, encadrées par les hommes trop peu armés pour résister. Je compris que le vieil homme faisait la seule chose sage dans les circonstances : il abandonnait le village au pillage pour sauver la vie de ses habitants. Quelques objets de valeur ne valaient pas une vie. Les maisons pourraient toujours être reconstruites et les provisions, refaites.
    À mon corps défendant, je fus forcé de reconnaître que l’entêtement de Pernelle avait eu l’effet escompté. Grâce à elle, la mort ne triompherait peut-être pas entièrement aujourd’hui. Il avait par contre la fâcheuse conséquence de nous placer dans une position vulnérable. Notre seule option était de suivre les autres pour nous cacher avant que les pillards arrivent. De mon bras valide, j’encerclai la taille de Pernelle et l’arrachai de sa selle pour la poser en travers sur ma monture. Elle se débattait comme un diablotin et j’eus grand-peine à la maintenir en place. Heureusement, Sauvage avait appris depuis longtemps à répondre à la moindre pression de mes cuisses et c’est de cette façon que je le dirigeai, comme durant une bataille.
    C’était toutefois sans compter sur l’expérience des pillards. Alors même qu’une partie d’entre eux surgissait dans le village, derrière nous, une autre émergea de la forêt, bloquant le chemin aux fuyards.
    —    Nous sommes pris en souricière ! hurla Ugolin pour se faire entendre malgré les cris de panique et le bruit des sabots.
    J’avisai la maison de Tyceline, non loin de là, sur notre droite, et formulai un plan désespéré.
    —    Suis-moi !
    Je me lançai au galop. Heureusement pour moi, Pernelle semblait avoir réalisé le sérieux de notre situation et se tenait désormais tranquille. Dès que nous eûmes atteint la chaumière, nous démontâmes. Je donnai une claque sur la croupe de
    Sauvage pour le faire fuir. Je le retrouverais plus tard. Ugolin en fit autant avec son cheval et nous nous engouffrâmes à l’intérieur, nous assurant de verrouiller la porte derrière nous. Nous y trouvâmes la simplette. De toute évidence, son père la croyait avec les autres. Elle tournait toujours en rond en se signant, en proie à une terreur qui semblait lui avoir enlevé le peu de raison qui lui restait.
    —    Dans l’autre pièce ! ordonnai-je.
    Je saisis le bras de Tyceline pour l’entraîner avec moi, mais elle semblait avoir perdu tout contact avec la réalité. Elle se mit à se débattre en hurlant comme une possédée. Lorsque je tentai de l’immobiliser, elle résista avec cette force surnaturelle que donne la folie et me martela la poitrine de ses poings.
    À l’extérieur, des cris montaient, mêlés des rires cruels

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