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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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des soldats qui avaient commencé à s’amuser. Chaque seconde comptait. J’abandonnai Tyceline à son sort et courus dans la pièce où nous avions dormi. Pernelle et Ugolin s’y trouvaient déjà. Avec son efficacité habituelle, le Minervois avait couché mon amie dans un coin et l’avait recouverte de quelques-unes des couvertures qui se trouvaient là, lui donnant l’apparence d’un tas de guenilles.
    —    Quoi qu’il arrive, tu restes là, compris ? dis-je d’un ton sec.
    —    Oui. fit une petite voix tremblante sous les couvertures.
    —    Et si nous sortons d’ici vivants, je te jure que je te botterai le cul, tête de mule, pestai-je.
    Ugolin me dévisagea, la main sur son arme, prêt à en découdre.
    —    Cache-toi derrière le tas de bois. Si quelqu’un entre, je m’en chargerai. S’il m’arrive quoi que ce soit, ramène Pernelle à Montségur et rapporte à Eudes et à Esclarmonde ce que nous savons de la seconde part de la Vérité à Gisors. Ils décideront quoi faire.
    Si je mourais, ma quête n’aurait pas été entièrement vaine. Mon âme croupirait peut-être en enfer pour l’éternité, mais les Neuf pourraient encore protéger la Vérité.
    Piqué dans son orgueil de devoir se camoufler ainsi, alors qu’une bataille risquait de survenir, Ugolin savait que le moment était mal choisi pour argumenter et s’abstint de se rebiffer. Je me blottis derrière la porte, tirai Memento et attendis, prêt à bondir.
    Au dehors, le chahut s’intensifiait. Des hurlements de souffrance me parvenaient de temps à autre et je reconnaissais sans peine le son du viol, gravé dans ma mémoire dès mon plus jeune âge et que Pernelle portait pour toujours en elle. Les cris de mères éplorées s’y mêlaient et je n’avais pas à imaginer les gestes que posaient les soldats du Nord. Je les connaissais. Des bruits de combats m’indiquaient que quelques villageois semblaient résister, mais leurs voix se taisaient vite. Trop vite.
    Puis un grand fracas monta dans la pièce d’à côté. On venait d’enfoncer la porte.
    —    Bougre ! s’écria une voix rauque au ton amusé. Mais qu’est-ce que nous avons là ? Doublet, regarde-moi ce petit laideron !
    —    Et sorcière avec ça, on dirait, railla l’autre. Vois tout cet attirail. M’est avis que sa fendace a des dents, à celle-là.
    —    Fourres-y la queue et vérifie !
    —    Onques ! J’y tiens, moi, à ma membrature ! Voyons plutôt ce qu’elle possède, la singesse.
    Des pas lourds traversèrent la pièce et j’entendis Tyceline gémir de terreur.
    —    Où caches-tu ton argent ? demanda un des hommes.
    —    Gnnnn. Gnnnnn. fut la seule réponse qu’il obtint.
    Le bruit d’une gifle fut suivi d’un couinement, puis d’un grand fracas. On renversait tout ce qui se trouvait sur les tablettes. Je brûlais de surgir dans la pièce et de faire leur affaire à ces deux mécréants, mais je me retins. La Vérité primait sur la vie de Tyceline. La sécurité de Pernelle aussi.
    —    Quel fouillis ! ragea l’autre soldat. Elle doit bien cacher quelque chose quelque part ! Personne n’est pauvre à ce point !
    Tyceline émit un interminable hurlement de bête blessée, sans doute en réaction à la destruction de ce qu’elle considérait comme le fruit de son labeur depuis la mort des siens, et apeurée à l’idée que ce qui la protégeait de la maladie qu’elle craignait tant se retrouvait fracassé.
    —    Aïe ! Elle m’a griffé, la garce !
    Un nouveau bruit de claque s’ensuivit, puis plusieurs chocs lourds et un cri, plus guttural encore. Une nouvelle lutte, féroce et désespérée. Un grognement féminin se transformant en gargouillis liquides. Des rires gras. Puis un silence que je ne connaissais que trop bien. Celui de la mort. Je fermai les yeux, contenant ma colère.
    Les bruits de casse reprirent, mais ne durèrent pas.
    —    Il n’y a que des cochonneries, maugréa un des hommes. Rien qui vaille le moindre sou !
    —    Comme partout ailleurs dans ce trou. Allons voir là.
    J’entendis les pas qui s’approchaient de la porte. Puis elle s’ouvrit lentement. La lame d’une épée passa prudemment dans l’embrasure et un homme entra, rabattant la porte sur moi. Malingre et sale, il portait, cousue sur son sein gauche, la croix rouge qui identifiait les croisés - le symbole du Christ qui autorisait les pires horreurs par la volonté d’Innocent III.

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