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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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doute entendu parler de moi, il ne m’a jamais vu et maintenant que les hommes de son père sont morts, en principe, personne ne peut plus me reconnaître. Pour lui comme pour Pierrepont, je ne suis qu’un soldat nommé Gontier qui a posé un geste de bravoure. Et puis, la proximité demeure la meilleure manière de recueillir de l’information.
    —    Au fond, les choses tournent bien, dit Pernelle.
    —    Diantre, comment résisteras-tu à l’envie de l’occire ? s’enquit Ugolin, mi-figue, mi-raisin. À ta place, j’aurais des démangeaisons dans le bras.
    —    J’ai besoin de lui vivant. Pour l’heure.
    Je coiffai mon heaume, détachai Sauvage et toisai Ugolin.
    —    Jaume est sous bonne garde, quelque part dans le camp de Pierrepont. Ils le mettront certainement à cheval pour reprendre la route au matin. Il te suffira de voir où ils l’emmènent demain soir. À la première occasion, libère-le. Quelque chose me dit que, malgré les ordres, ils ne le laisseront pas vivre très longtemps.
    —    Compte sur moi.
    —    Bien. Restez à la fin du convoi. Je vous tiendrai au courant autant que je le pourrai. Et ne faites rien sans mon accord.
    Je détachai la bourse de mon ceinturon et la lançai à Ugolin.
    —    Il y reste encore quelques sous. Je n’en aurai pas besoin.
    Je m’éloignai sans rien ajouter. Pour le reste du voyage, je devrais protéger la progéniture du monstre qui commettait toutes ces atrocités dans le Sud. Les ennemis de la Vérité sont légion, avait dit Métatron. Ils te guetteront et te traqueront sans merci car ils la craignent plus que tout. Les rois et les prêtres tremblent devant elle car elle met leur pouvoir en péril. Et voilà que, pour le meilleur et pour le pire, je me retrouvais parmi eux.
    Je passai la nuit enroulé dans ma couverture près du feu, entouré des hommes de Pierrepont. Je dormis peu et mal. En plein cœur d’un camp ennemi, j’étais tout sauf tranquille. Je ne doutais pas que la réputation qu’avait acquise Gondemar de Rossal, le croisé ayant tourné capot et détesté entre tous, était connue de chacun. Ma survie résidait dans l’anonymat. J’avais beau avoir modifié mon apparence, si le stratagème de Roger Bernard n’avait pas fonctionné et qu’on me reconnaissait, je ne survivrais pas vingt-quatre heures.
    Aux premières lueurs de l’aube, les tentes furent démontées et nous nous mîmes en route. Pierrepont s’était assuré qu’on me fournisse une épée qui, si elle était de qualité acceptable, ne rivaliserait jamais avec Memento en termes de maniabilité et d’élégance. Heureusement, je pouvais m’en accommoder avec une main. Le cas échéant, elle ferait donc l’affaire.
    Le soleil était revenu et réchauffait un peu l’air de novembre. Le temps était bon et Sauvage, qui ne montrait plus de signes d’inconfort, gambadait allègrement sur le chemin. Je chevauchai la journée entière aux côtés du jeune Montfort et fis quelques tentatives pour ouvrir le dialogue, mais il était enfermé dans un mutisme obstiné et ne daigna m’adresser que quelques grognements. Il se tenait raide sur sa monture, comme si on lui avait fourré une barre de fer dans les fondements, le regard fixé droit devant, les lèvres pincées. Tout dans son attitude trahissait un homme blessé et humilié qui tentait de préserver ce qui lui restait de dignité. Je finis par me taire et me contentai de l’accompagner. Le temps pressait. Sous peu, nous serions en vue d’Orléans. Ensuite, nous filerions vers Gisors. J’avais besoin de le faire parler, mais il fallait être deux pour avoir une conversation.
    Le soir venu, nous démontâmes et nous regroupâmes près du feu. Le jeune Montfort n’était guère aimé et on nous laissait à nous-mêmes dans notre coin, ostracisés comme des lépreux. Les soldats étaient de belle humeur, riant et blaguant pendant que quelques faisans tués au passage par des archers rôtissaient sur le feu. Lorsqu’ils furent à point, un soldat murmura quelque chose à ceux qui se trouvaient près de lui en désignant du regard mon compagnon. Puis il se leva, remplit une écuelle de viande, versa du vin dans une coupe et se dirigea vers Montfort pour les lui présenter.
    —    Pour toi, joli seigneur, roucoula-t-il en faisant une courbette exagérée. Ne nous honoreras-tu pas d’une chansonnette ?
    Autour, les autres soldats étouffèrent des rires. Guy ne dit rien.
    —

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