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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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s’ouvre et se referme ridiculement comme celle d’un poisson hors de l’eau, puis je le relâchai brusquement avant de reculer de trois pas et de tirer mon épée.
    —    Allez, Lucas ! l’encouragea un de ses camarades. Tu ne vas pas te défiler ! Il n’a qu’une main !
    Je vis du coin de l’œil Alain de Pierrepont qui était descendu de cheval et qui venait dans notre direction. Je crus pendant un instant qu’il allait interdire le duel, ce qui m’aurait fort contrarié, mais il se planta plutôt parmi ses hommes et croisa les bras, l’air intéressé.
    Je repérai Montfort et lui fis signe de mettre pied à terre, lui aussi.
    —    Sire Guy, je suppose que vous savez par cœur la chansonnette dont ce teigneux vous afflige depuis hier ?
    Pour toute réponse, le jeune homme haussa les sourcils avec résignation.
    —    Bien, alors installez-vous quelque part et chantez-la deux fois, je vous prie.
    Il hésita un peu, conscient que tous les regards étaient posés sur lui, puis se dirigea vers un rocher au bord du chemin. Il s’y assit, posa son luth sur son genou et en pinça les cordes, prêt à entamer la ritournelle. Je reportai mon attention sur Lucas.
    —    Approche, dis-je en lui faisant un signe de ma main gauche, afin qu’il constate qu’elle n’était pas tout à fait inutile. Je te ferai ton affaire à une seule main avant que sire Guy ait chanté deux fois ta jolie chanson.
    Voyant que j’étais sérieux et que son honneur était en jeu, il n’eut d’autre choix que de dégainer. Je notai que ses deux mains tenaient son arme trop serrée et qu’elles tremblaient légèrement.
    —    Quand sire Guy je vois, entama le jeune Montfort d’une voix morne et lourde d’humiliation.
    J’étais pleinement remis du feu sacré et, au fil des jours, mon corps avait retrouvé sa force. D’une seule main, je traçai dans les airs les huit que Montbard m’avait si souvent fait pratiquer. Loin d’être à la hauteur de Memento, l’épée, trop lourde à mon goût, siffla néanmoins de façon satisfaisante et je vis les yeux de mon adversaire s’écarquiller. Sans prévenir, je fis un pas brusque vers l’avant et abattis mon arme sur la sienne avec une force telle qu’il l’échappa presque.
    —    Croupion mignon, joli minois
    Lucas recula d’un pas. D’expérience, je savais que le choc s’était répercuté jusque dans ses épaules et qu’un engourdissement lui saisissait le bras. Je profitai immédiatement de mon avantage en lui faisant essuyer un barrage de coups qui n’avaient d’autre but que de mesurer sa vitesse de réaction. La voyant modeste, je commençai à m’amuser.
    —    Moi qui suis si loin de toi ma mie
    Pivotant sur ma gauche, je fis un tour complet sur moi-même et me retrouvai sur sa droite. Avant qu’il n’ait pu parer le coup, ma lame fendit la chair de sa cuisse et il laissa échapper un cri.
    —    Envie de petit trou me saisit
    Il recula en boitant, une grimace de douleur lui déformant la face, et examina sa blessure qui pissait le sang. Il se mit en garde, réalisant soudain que je ne jouais pas et qu’il combattait pour sa vie. Sur son visage perlait cette sueur qui vient davantage de la peur que de l’effort.
    Je saisis mon arme à deux mains, ravi de constater que la gauche fermait encore suffisamment pour au moins m’aider à la maintenir en équilibre, et la tendis devant moi, comme Bertrand de Montbard m’y avait entraîné à force de grondements et de reproches. J’avançai vers mon adversaire qui, comme je l’avais anticipé, m’accueillit avec une volée de coups maladroits que j’écartai sans peine. Puis je reculai pour attendre sa prochaine charge.
    —    Qu’il serait doux, le petit seigneur dessous
    J’étais prêt lorsqu’il fonça, fou de douleur et de rage. D’un pas leste, je me déplaçai sur ma gauche. Pendant qu’il passait dans le vide, je me retournai et abattis mon arme sur son épaule. Il tomba à genoux, ensanglanté et haletant.
    —    Quand sire Guy je vois, entonna pour la seconde fois le jeune Montfort, dont la voix maintenant plus ferme trahissait le plaisir qu’il éprouvait à voir son honneur vengé.
    —    Relève-toi, couard, dis-je en lui enfonçant mon pied dans les côtes. Tu vois bien que la chanson recommence. Il nous reste quatre vers entiers pour conclure notre petite leçon.
    Autour de nous, le silence était tombé. Les soldats observaient la scène,

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