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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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tâtons. Si Guy était allé pisser, c’était fatalement à l’orée des bois et c’est de ce côté que je me dirigeai. Je fis le tour du camp sans succès et j’allais retourner près du feu dans l’espoir que le jeune sire y était revenu pendant mon absence lorsque je crus entendre un gémissement étouffé. Je m’immobilisai et tendis l’oreille. Un rire gras me parvint. Alarmé, je tirai ma dague et m’engageai entre les arbres sur la pointe des pieds. Guidé par des froissements de branchages, j’avançai.
    Dans le noir, j’aperçus deux silhouettes accroupies entre deux arbres. L’une, dans laquelle je reconnus Guy de Montfort, était allongée sur le ventre et se débattait piteusement. L’autre était agenouillée derrière et lui tenait fermement la nuque, lui enfonçant sans ménagement le visage dans l’humus. De l’autre main, il venait de se déculotter. Je compris aussitôt ce qu’il entendait faire et je ne doutais pas qu’une fois son méfait accompli et son plaisir pris, il ne donnerait pas à sa victime la chance de le dénoncer.
    Je m’approchai sans bruit et pus bientôt déterminer que le soldat qui s’apprêtait à sodomiser sire Guy était un homme trapu et robuste. Je franchis les quelques pas qui me séparaient de lui. Juste avant qu’il enfouisse son membre dans les nobles fondements, je lui encerclai fermement le visage de mon bras gauche. Pendant qu’il se débattait, je lui enfonçai ma lame entre les fesses, la poussant aussi loin que je le pouvais et la faisant tourner pour bien lui labourer les entrailles tout en lui couvrant la bouche pour étouffer le cri guttural qui cherchait à s’en échapper. Omnes enim qui acceperintgladium, gladioperibunt 2 , lui chuchotai-je à l’oreille pendant qu’il se débattait comme un diable. Je ne cessai mes efforts que lorsque je sentis un sang chaud me couvrir la main. Petit à petit, le sodomite cessa de gesticuler et, satisfait, je le déposai doucement sur la mousse humide qui couvrait le sol. Puis je rengainai ma dague et concentrai mon attention sur le jeune Montfort qui, le cul en l’air, n’avait pas bougé de sa fâcheuse position.
    —    Vous n’avez rien, sire ? m’enquis-je en posant ma senestre morte sur son épaule.
    —    Non, fit-il d’une voix tremblante. Il ne m’a pas.
    —    Néanmoins, il a goûté jusqu’à la mort les plaisirs qu’il affectionnait, coupai-je. Reculottez-vous et retournons au camp.
    Le pauvre garçon se leva et obtempéra. Je lui offris mon soutien, mais il le refusa d’un geste sec du bras, drapé dans le peu de fierté qui lui restait encore. Côte à côte, nous retournâmes à notre couche. Une fois près du feu, il s’enveloppa dans sa couverture et se roula en boule. Ses reniflements me révélèrent qu’il pleurait. Pour ma part, je me réjouis à l’idée que, grâce à la lubricité d’un simple soldat, je venais de gagner encore un peu plus sa confiance.
    Toute la journée, Guy de Montfort s’enferma dans un mutisme tenace. Il n’avait pas su défendre lui-même sa propre vertu, confirmant ainsi la mauvaise opinion que son géniteur avait de lui, et il ne devait l’intégrité de son arrière-train qu’à mon intervention providentielle. Une telle faiblesse ne pouvait qu’être avilissante et son air renfrogné confirmait mon impression. Son regard restait obstinément rivé sur le sol, devant sa monture, et ses lèvres formaient une moue persistante qui rappelait celle d’une femme boudeuse.
    Pour ma part, le cauchemar qui m’avait tiré de mon sommeil n’avait été que distrait par les événements de la nuit. Il était maintenant revenu me coller à la peau comme une saleté tenace. J’avais beau tenter de chasser le goût de la terre dans ma bouche et son odeur dans mon nez, mes efforts restaient vains. L’image du visage d’Odon et de son affreux sourire me hantait.
    Au fil des heures, de gros nuages noirs et lourds s’accumulèrent dans le ciel, et de lointains grondements de tonnerre annoncèrent un orage, rendant nos montures nerveuses. Même Sauvage, pourtant habitué à pire, était difficile à maîtriser et je devais tenir fermement ses rênes. Un vent froid faisait claquer nos vêtements et les traversait, nous frissonnions. Dans le convoi, les soldats forcés de remonter vers le Nord en plein décembre maugréaient en maudissant ouvertement leur sort, regrettant de ne pas être descendus combattre dans le Sud plus tôt

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