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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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de
telles splendeurs, mais n’en avais jamais vu. La matière précieuse avait la
brillance et la pâleur de la cire. Elle semblait presque aussi lisse et
diaphane que la peau du mort.
    Des
couvertures pourpres à broderie d’or étaient étendues sur le lit, à côté d’asters
et de branches de conifères. Le corps était revêtu d’une toge blanche ornée d’élégantes
broderies vert et blanc. Les pieds étaient enfilés dans des sandales
fraîchement huilées et pointées vers la porte, comme le veut la tradition.
    Eco
fronça le nez. Un instant plus tard, je fis de même. En dépit des parfums et
onguents et de l’encens qui brûlait dans un petit brasero, il flottait dans l’air
une indéniable odeur de pourriture. Eco se déplaça pour se boucher le nez avec
sa manche. D’une tape, je lui fis baisser la main et le tançai pour sa
grossièreté.
    Fabius
murmura :
    — C’est
le cinquième jour.
    Il
restait donc deux jours encore avant les funérailles et la fin des sept jours
de deuil public. Le cadavre sentirait alors vraiment fort. La famille s’était
certainement assuré les services des meilleurs embaumeurs de Baia. Ou, plus
probablement encore, elle les avait fait venir de Pouzzoles. Mais tout leur art
n’avait pas suffi. Quelques rameaux de lierre recouvraient la tête.
    — Ce
lierre, dis-je, on a l’impression qu’il a été placé sur son visage pour…
    Fabius
ne chercha pas à m’arrêter lorsque je soulevai délicatement les rameaux qui
avait été si habilement disposés pour cacher le cuir chevelu du défunt. Les
blessures semblables à celle que je trouvai sous le lierre étaient le cauchemar
des embaumeurs. Elles étaient trop importantes pour être dissimulées d’une
manière subtile, trop profondes et trop horribles pour être regardées
longtemps. Involontairement, Eco poussa un cri de dégoût et tourna la tête.
    — Hideux,
n’est-ce pas ? chuchota Fabius sans regarder.
    Un
coup – peut-être plusieurs – porté avec un objet lourd et
tranchant avait fracassé le quart supérieur droit du visage, arrachant l’oreille,
brisant la pommette et la mâchoire et abîmant l’œil, qui, malgré tous les
efforts qu’on avait déployés, restait mi-clos et ensanglanté. J’étudiai ce qui
restait de cette figure. J’imaginai un bel homme, la cinquantaine, légèrement
grisonnant sur les tempes, avec un menton et un nez bien dessinés. Entre les
lèvres entrouvertes, j’aperçus la pièce d’or placée là par les embaumeurs :
le droit de passage pour Charon, le nocher qui faisait traverser l’Achéron.
    — Sa
mort ne fut pas un accident, dis-je.
    — Ah,
ça non !
    — Une
altercation violente qui a dégénéré.
    — Peut-être.
C’est arrivé en pleine nuit. Son corps n’a été découvert ici, dans l’atrium,
que le lendemain matin. Les circonstances de la mort sont claires.
    — Vraiment ?
    — Un
esclave est en fuite. Quelque fou qui aura suivi l’exemple de Spartacus,
semble-t-il. Mais d’autres te donneront davantage de détails.
    — Tu
veux dire que le responsable est un esclave en fuite ? Je ne suis pas un
chasseur d’esclaves, Faustus Fabius. Pourquoi m’a-t-on amené ici ?
    Le
patricien regarda le mort, puis le faune.
    — Quelqu’un
d’autre te l’expliquera.
    — Très
bien. Et la victime… Comment l’appelles-tu, déjà ?
    — Lucius
Licinius.
    — Oui,
ce Lucius Licinius était-il le maître de maison ?
    — Plus
ou moins, répondit Fabius.
    — Pas
d’énigme, je t’en prie.
    Il
se pinça les lèvres.
    — C’est
à Mummius de te le dire, pas à moi. J’étais d’accord pour t’escorter jusqu’à la
villa, pas pour t’expliquer l’affaire.
    — Marcus
Mummius n’est pas là. Mais nous, si. Et le cadavre d’un homme assassiné aussi.
    Fabius
grimaça. Patricien ou pas, il m’apparut comme un homme habitué aux missions
déplaisantes ; et il n’aimait pas ça. Comment s’était-il présenté ?
Comme le « bras gauche » de Crassus ?
    — Très
bien, dit-il finalement. Voilà quelle était la situation de Lucius Licinius.
Lui et Crassus étaient cousins, intimement liés par le sang. J’ai compris qu’ils
ne se connaissaient pas dans leur jeunesse, mais que les choses avaient changé
à l’âge adulte. De nombreux Licinius ont été tués pendant les guerres civiles.
Quand la situation est redevenue normale sous la dictature de Sylla, Crassus et
Lucius ont commencé à entretenir une

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