L'Étreinte de Némésis
Gelina va être soulagée. Pour
quelque raison, elle s’était mis en tête que Mummius pourrait revenir la nuit
dernière, même tard. Nous lui avions tous dit que c’était impossible, même dans
les conditions les plus favorables. Mais elle s’est entêtée. Avant de se
coucher, elle a demandé qu’un messager descende toutes les heures sur le port
voir si le navire arrivait. Il y a du désordre ici, comme tu peux l’imaginer.
Il
remarqua ma surprise.
— Ah,
Mummius ne t’a quasiment rien dit, j’imagine. Oui, telles étaient ses
instructions. Mais ne t’inquiète pas, tu vas tout savoir.
Il
se retourna dans le sens du vent et inspira profondément. Sa longue chevelure
flottait dans la brise comme une crinière rouge.
Je
regardai le port. La Furie était de loin le plus grand navire. Les
autres n’étaient que de petits bateaux de pêche ou de plaisance. Misène n’a
jamais été un port particulièrement actif. L’essentiel du trafic qui entre ou
sort de la baie passe par Pouzzoles, le principal port d’Italie. Mais Misène
paraissait encore plus tranquille qu’elle n’aurait dû l’être, vu la proximité
de la luxueuse Baia et des célèbres sources minérales. Je le dis à Faustus
Fabius.
— Alors,
tu es déjà venu ici ? demanda-t-il.
— Quelques
fois.
— Tu
as quelque connaissance des navires de commerce qui pratiquent la côte de
Campanie ?
— Les
affaires m’ont amené de temps en temps ici. Mais je ne suis pas un spécialiste
du trafic maritime. Quoi qu’il en soit, ai-je tort de penser que le port est
plutôt vide en ce moment ?
Il
fit une petite grimace.
— Non.
Il y a les pirates en mer et Spartacus sur terre, le commerce est au point mort
dans toute la Campanie. Presque rien ne bouge tant sur terre que sur mer. Je
suis d’autant plus surpris que Marcus ait voulu te ramener sur la Furie.
— Tu
veux dire Marcus Mummius ?
— Bien
sûr que non. Mummius ne possède pas de trirème ! Je pensais à Marcus
Crassus.
Il
esquissa un léger sourire.
— Oui,
je sais, tu es censé ignorer ce point, au moins jusqu’à ton débarquement. Mais,
bon, maintenant tu es au courant.
En
mettant le pied sur le quai, je jetai un dernier coup d’œil vers le port.
— Tu
dis qu’il n’y a aucun trafic en ce moment ?
Il
haussa les épaules. J’attribuai son rictus au dédain traditionnel des
patriciens pour les questions de commerce.
— Les
voiliers et les barques sillonnent la baie pour transporter les biens et les
passagers. Mais il est devenu excessivement rare de voir un grand navire en
provenance d’Égypte, d’Afrique ou même d’Espagne, pénétrer dans le port de
Pouzzoles. Les biens et les denrées ne circulent plus par voie de terre. Tout
le sud de l’Italie vit sous la menace de Spartacus. Il a établi ses quartiers d’hiver
du côté de Thurii, après avoir passé l’été à terroriser la région située à l’est
du Vésuve. Les cultures ont été détruites, les fermes et les villas dévastées
par le feu. Les marchés sont vides. Heureusement pour eux, les habitants de la
région ne se nourrissent pas seulement de pain. Personne ici ne mourra de faim
tant qu’il y aura des poissons dans la baie ou des huîtres dans le lac Lucrin.
Fabius
nous guida vers l’extrémité du quai.
— Malgré
les troubles, il ne doit pas y avoir grande pénurie à Rome, n’est-ce pas ?
— Oui,
« Le peuple a peur, mais ne souffre pas ».
Je
citai la phrase d’un discours que j’avais récemment entendu au Forum.
Fabius
ricana.
— Je
reconnais bien là le Sénat. Ils veillent à ce que la populace de Rome vive
correctement. Et pendant ce temps les sénateurs sont incapables d’envoyer un
commandant décent contre Spartacus et les pirates. Quelle bande d’incompétents !
Rome n’a plus jamais été la même, depuis que Sylla a ouvert la porte du Sénat à
tous ses riches fidèles pour les remercier. Aujourd’hui les vendeurs de
babioles et les marchands d’huile d’olive font des discours, pendant que des
gladiateurs dévastent la campagne. Par chance Spartacus a, jusqu’à maintenant,
manqué de la cervelle ou des nerfs qu’il faudrait pour marcher sur Rome.
— Cette
hypothèse est évoquée quotidiennement.
— Oh !
j’en suis sûr. Entre le caviar et les cailles farcies, les Romains n’ont pas
beaucoup d’autres sujets de bavardage ces temps-ci.
— On
parle toujours de Pompée. On dit qu’il a presque anéanti les
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