L'Étreinte de Némésis
rebelles en
Espagne. Le peuple attend qu’il rentre en hâte pour liquider Spartacus.
— Pompée !
Fabius
avait prononcé ce nom avec presque autant de mépris que Marcus Mummius.
— Ses
origines sont modestes, mais ce n’est pas le problème ici. Et personne ne peut
nier ses réussites sur le plan militaire. Simplement, dans le cas présent,
Pompée n’est pas l’homme de la situation.
— Alors,
qui ?
Fabius
sourit et dilata ses larges narines.
— Tu
vas bientôt le rencontrer.
Des
chevaux nous attendaient. Accompagnés par le garde du corps de Fabius, nous
traversâmes le village de Misène puis prîmes la direction du nord. La route
pavée longeait une plage couverte de vase. Un peu plus loin, elle s’éloignait
du rivage pour gravir une petite crête boisée. Des deux côtés, à travers les
arbres, je pouvais apercevoir de grandes maisons entourées de superbes jardins
cultivés. Eco écarquillait les yeux. Avec moi, il avait rencontré des hommes
riches et parfois il avait pu pénétrer dans leurs demeures. Mais un tel luxe
était nouveau pour lui. Dans les villes, les maisons des riches étaient collées
les unes contre les autres et n’en imposaient pas comme les villas de la
campagne. Loin des yeux jaloux des foules citadines, là où seuls les esclaves
et les invités aussi riches qu’eux pouvaient venir frapper, les grands Romains
n’avaient pas peur de faire étalage de leur richesse.
La
monture de Faustus Fabius avançait d’un pas tranquille. Si l’affaire en
question était pressante, il ne le montrait pas. Il y avait quelque chose dans
l’air de la côte de Campanie qui rendait nonchalants même les citadins du Nord
les plus pressés. L’air tonique embaumant le pin et la mer, une clarté
particulière du soleil dans le ciel, un sentiment d’harmonie avec les dieux de
la Terre, de l’Air, du Feu et de l’Eau. Un tel plaisir rend loquace. Je
commençai à discuter avec Faustus Fabius, m’extasiant sur la vue, le
questionnant sur la topographie et la cuisine locales. Il était romain jusqu’au
bout des ongles. Mais manifestement il venait suffisamment souvent dans la
région pour avoir une bonne connaissance des Campaniens de la côte et de leurs
vieilles coutumes grecques.
— Je
dois dire que tu es plus disert que l’hôte avec lequel j’ai fait la traversée.
Il
accepta cette remarque avec un petit sourire et un signe de tête entendu. Il ne
portait manifestement pas Marcus Mummius dans son cœur.
— Dis-moi,
qui est Mummius ?
Fabius
leva son sourcil.
— Je pensais que
tu savais au moins cela. Mummius était l’un des protégés de Crassus pendant les
guerres civiles. Depuis lors, il est devenu son bras droit pour les affaires
militaires. Les Mummius ne sont pas particulièrement distingués, mais, comme la
plupart des familles romaines qui survivent assez longtemps, ils possèdent au
moins un ancêtre célèbre. Malheureusement, la notoriété va de pair avec un
soupçon de scandale. L’arrière-grand-père de Marcus Mummius était consul à l’époque
des Gracques [19] . Il remporta de grands triomphes pendant ses
campagnes en Espagne et en Grèce. Tu n’as jamais entendu parler de Mummius le
Fou, également surnommé le Barbare ?
Je
haussai les épaules. L’esprit des patriciens est sûrement différent de celui
des hommes ordinaires. À la moindre sollicitation, ils peuvent vous raconter
des détails parfaitement insignifiants sur des générations d’individus, jusqu’à
l’époque du roi Numa et même au-delà.
Fabius
sourit.
— La
chose est peu probable mais, si la discussion porte sur ce sujet devant Marcus
Mummius, fais très attention à ce que tu dis. Il est incroyablement susceptible
à propos de la réputation de son ancêtre. Et, donc, il y a bien des années,
Mummius le Fou fut envoyé en Grèce par le Sénat pour mettre un terme à la
révolte de la Ligue achéenne. Mummius les anéantit totalement. Puis il pilla
systématiquement Corinthe avant de raser la ville et de réduire sa population
en esclavage par décret sénatorial.
— Ah,
encore un chapitre glorieux de l’histoire de notre empire. Voilà bien un
ancêtre dont tout Romain devrait être fier.
— Exactement,
dit Fabius, un peu crispé par le ton ironique de ma voix.
— Ainsi
cette boucherie lui a valu le surnom de Mummius le Fou ?
— Oh !
par Hercule, non. Ce ne fut ni son goût du sang, ni sa cruauté, mais sa manière
de traiter les œuvres
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