L'Étreinte de Némésis
abandonné là où il est tombé ?
— Pourquoi
penses-tu qu’il a été traîné ?
— La
posture, Mummius. La posture que Gelina nous a décrite. Souviens-toi : les
jambes droites, les bras tendus au-dessus de la tête. Ce n’est pas la position
d’un homme qui s’effondre sur le sol après avoir été frappé à la tête. En
revanche, c’est exactement celle d’un corps que l’on a traîné par les pieds.
Mais traîné depuis où ? Et pour quelle raison ? C’est là qu’intervient
la cape.
— Continue.
— Nous
n’avons aucun moyen de savoir à qui appartenait le sang qui la macule. Mais dès
maintenant, et en raison de la quantité de sang, nous pouvons déduire qu’il s’agit
bien de celui du défunt. Gelina nous a elle-même dit qu’il y avait peu de sang
sous la blessure. Pourtant, il suffit de voir celle-ci, Lucius a forcément
abondamment saigné. Il est donc probable que la cape a servi à absorber une
bonne partie du sang. Par ailleurs, cette cape n’appartenait sûrement pas à
Lucius.
— Pourquoi
cela ? demanda Mummius.
— Il
suffit de voir dans quel luxe extravagant il vivait. Regarde sa maison. Je ne
crois pas vraisemblable qu’il ait choisi un vêtement aussi terne. Non, c’est le
manteau type de l’homme ordinaire ou de l’homme riche qui voudrait faire croire
qu’il est partisan des vieilles vertus romaines. Mais c’est aussi, tout
simplement, la cape sombre, commune, qu’un homme ou une femme choisirait pour
se déplacer la nuit sans être repéré, une cape d’assassin.
« D’une
manière ou d’une autre, ce manteau doit être compromettant. Sinon, pourquoi l’éloigner
de la scène du crime et essayer de le jeter à la mer ? Et pourquoi
arracher un coin de celui-ci ? Si les esclaves en fuite avaient vraiment
tué Lucius, ils auraient été assez courageux pour s’en vanter en inscrivant le
nom de Spartacus sur le sol. Alors pourquoi se seraient-ils préoccupés de
supprimer cette cape après avoir si impudemment affiché leur allégeance ?
Oui, pourquoi ne l’auraient-ils pas laissée derrière eux afin de plonger les
témoins dans l’horreur de cette découverte sanglante ? Je pense qu’il faut
veiller attentivement à ce que personne d’autre n’apprenne que ce manteau a été
découvert. Le véritable assassin doit continuer de croire qu’il a réussi à le
jeter à l’eau. Je vais le prendre et le dissimuler dans mes propres affaires.
Eco
avait écouté attentivement. Il tira sur ma tunique. Devant son insistance, je
lui tendis la cape ensanglantée. Il la regarda et indiqua du doigt les
différentes taches de sang. Puis il mima une série de mouvements avec sa paume
ouverte.
Mummius
observait la scène, déconcerté.
— Que
dit-il ?
— Il
fait une excellente remarque ! Vois ici, où le sang est le plus concentré.
La tache forme presque un cercle, comme si le vêtement avait été placé sous la
blessure afin de recueillir le sang. Mais, ailleurs, le sang est étalé. Regarde
ces traînées de la largeur d’une main. On dirait que la cape a été utilisée
pour essuyer le sang, peut-être sur le sol.
Eco
mima de nouveau. Il se pencha en arrière et mit ses mains derrière la tête.
Puis il étendit ses deux bras, comme s’il tirait un lourd objet. Il mettait
tant d’enthousiasme dans sa démonstration que je craignis qu’il tombe de
cheval.
— Et
qu’explique-t-il maintenant ? demanda Mummius.
— Eco
évoque la possibilité que la cape ait d’abord été placée sous la tête du
mourant. Ainsi elle recueillait le sang tandis que le corps était traîné sur le
sol. Puis l’assassin a pu utiliser une partie propre du vêtement pour nettoyer
les traces de sang dans la pièce où les coups avaient réellement été portés et
partout où il en était tombé pendant le déplacement.
Mummius
croisa ses bras.
— Il
dit vraiment tout ça ?
— Je
dois lui rendre cette justice. Et voilà pour la cape. Le plus troublant de
tout, c’est le retour des chevaux manquants, l’après-midi. Zénon et Alexandros
ne les ont sûrement pas abandonnés volontairement. Sauf s’ils en ont trouvé d’autres
ailleurs.
Mummius
secoua la tête.
— Mes
hommes ont enquêté. Aucun cheval n’a été volé dans le secteur.
— Alors
Zénon et Alexandros en ont été réduits à continuer à pied. Dans une région
aussi civilisée que celle-ci, avec autant de trafic sur les routes, avec la
peur qui règne dans la
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