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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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mise à danser. La robe noire ondulait,
virevoltait, se repliait sur elle-même. Un long hurlement plaintif me fit
dresser les cheveux sur la tête. Les contorsions n’étaient pas une danse, mais
les convulsions de la prêtresse, alors que la sibylle prenait possession de son
corps.
    La
robe noire tomba sur le sol. Ce n’était plus qu’une masse de tissu. Eco fit un
pas en avant pour la toucher, mais je l’arrêtai. Un instant plus tard, le
vêtement recommença à s’animer, à se remplir, et il se redressa. Sous nos yeux,
la sibylle de Cumes prenait forme. Elle paraissait plus grande que la
prêtresse. Elle leva les mains et rejeta sa capuche en arrière.
    Dans
la pénombre, son visage était à peine discernable. Pourtant il me semblait que
je pouvais distinguer ses traits avec précision. Il fallait d’abord que je
fasse le vide, que je ne m’imagine pas que la prêtresse était Iaia. Certes,
elle avait le visage d’une vieille femme et, certes, elle pouvait vaguement
ressembler à l’artiste. Elles avaient peut-être la même bouche, les mêmes
pommettes saillantes et le même front hautain. Mais aucune mortelle ne
possédait des yeux dont l’éclat était aussi vif que celui de la lumière qui
passait par les fissures de la grotte.
    Elle
commença à parler. Ses seins se soulevèrent. Un bruit de crécelle sortit de sa
gorge alors que le dieu se mettait à respirer à travers elle. Soudain un vent
violent se leva dans notre dos et fit voler ses cheveux. Pas encore soumise au
dieu, elle luttait et essayait de le chasser de son esprit, comme un cheval tente
de se débarrasser de son cavalier. Sa bouche écumait. Des sons montèrent de sa
gorge, d’abord semblables au vent dans une grotte, puis au gargouillis de l’eau
dans une canalisation. Petit à petit, le dieu la maîtrisa, puis la calma. Elle
dissimula son visage dans ses mains, avant de se redresser lentement.
    — Le
dieu est avec moi, dit-elle d’une voix qui n’était ni celle d’un homme ni celle
d’une femme.
    Je
jetai un coup d’œil à Eco. Son front était couvert de sueur, ses yeux grands
ouverts, ses narines dilatées. Je lui pris la main pour le réconforter.
    — Pourquoi
viens-tu ? demanda la sibylle.
    Je
voulus parler, mais ma gorge était trop sèche. Je déglutis et réessayai.
    — On…
on nous a dit… de venir.
    Même
ma propre voix me paraissait irréelle.
    — Que
cherches-tu ?
    — Je…
veux connaître… certains événements… à Baia.
    Elle
hocha la tête.
    — Tu
viens de la maison du mort, Lucius Licinius.
    — Oui.
    — Tu
cherches la réponse à une énigme.
    — Je
veux savoir comment il est mort… et quelle main l’a tué.
    — Pas
celle des accusés, répondit-elle.
    — Mais
comment le prouver ? Il faudrait que je puisse désigner le vrai coupable…
Tous les esclaves de la maison vont être exécutés. C’est une tragédie cruelle,
sauf si… Peux-tu me dire qui a tué Licinius ?
    La
sibylle demeura silencieuse.
    — Peux-tu
au moins me montrer son visage en rêve ?
    La
sibylle posa ses yeux sur moi. Un frisson me glaça les os. Elle secoua la tête.
    — Mais
je dois absolument le savoir ! protestai-je.
    De
nouveau, la sibylle secoua la tête.
    — L’oracle
n’est pas là pour accomplir la tâche des hommes à leur place.
    « Mais
que puis-je faire pour toi, Gordien de Rome ? Il t’appartient de découvrir
la connaissance. Si je te donne la réponse que tu cherches, je te prive du
moyen même qui te permettra d’aboutir. Si tu vas voir Crassus en lui donnant un
nom, sans autre preuve, il se contentera de se moquer de toi, il te punira même
peut-être pour avoir porté de fausses accusations. Si tu ne la trouves pas
toi-même, en utilisant tes talents, la connaissance que tu cherches te sera inutile.
Ce que tu affirmes, tu dois pouvoir le prouver. C’est la volonté du dieu que je
t’aide, mais je ne ferai pas le travail pour toi.
    Je
secouai la tête. A quoi pouvait bien me servir la sibylle si elle refusait de
me livrer un nom ? Peut-être ne le connaissait-elle tout simplement pas ?
Je me sentis coupable d’avoir des pensées aussi impies et les chassai de mon
esprit. Un voile sembla se lever lentement devant mes yeux. De nouveau, la
sibylle parut me regarder d’un air soupçonneux, comme Iaia.
    Eco
toucha ma manche pour attirer mon attention. D’une main il leva deux doigts, et
de l’autre il en baissa deux, sa façon de dire « homme » : deux hommes. Il

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