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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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protesta-t-elle. Pourquoi veux-tu la revoir ?
Pense comme il doit faire beau, en bas, à Baia.
    — Je
veux la revoir, insistai-je.
    Tandis
qu’Eco attachait les chevaux, je repérai la naissance du sentier sur la gauche
du surplomb. C’était comme la sibylle me l’avait dit. Le sentier était à peine
visible, totalement à l’abandon. Je ne découvris pas la moindre trace récente
de passage, pas une seule empreinte de pied sur le sol détrempé. J’écartai les
branches. Eco était derrière moi. Olympias protesta, mais suivit le mouvement.
    Nous
descendîmes une piste raide, très accidentée, le sol était rocailleux et
dénudé. Portée par un courant d’air chaud ascendant, l’odeur du soufre devenait
de plus en plus forte. Nous fûmes finalement contraints de nous couvrir le
visage avec nos manches. Enfin, nous atteignîmes une large plage de vase
jaunâtre. Contrairement à ce qu’on voyait d’en haut la surface du lac n’était
pas uniforme. En réalité, il s’agissait d’une succession de mares sulfureuses
reliées les unes aux autres et recouvertes de vapeur. Des ponts de roche les
séparaient. Ils permettaient sans doute de gagner l’autre rive, si tant est qu’on
ait voulu prendre ce risque et qu’on ait survécu à la chaleur et à l’odeur. La
puanteur du soufre en ébullition était presque insoutenable.
    Je
levai les yeux. Nous nous trouvions presque exactement en dessous de la
plate-forme de pierre d’où nous étions partis. Sur le flanc de la falaise, je
ne voyais ni grotte ni abri possible. Je secouai la tête, doutant plus que
jamais des paroles de la sibylle.
    — Comment
rencontrer quelqu’un ici ? grommelai-je. À mon avis, on a plus de chances
de voir le Minotaure se promener sur cette plage qu’un des esclaves de Gelina
en fuite.
    Eco
parcourait la plage des yeux, pour autant que les vapeurs le permettaient. Puis
il leva les sourcils et montra du doigt quelque chose au bord de l’eau, à
quelques pas à peine.
    A
dire vrai, j’avais déjà vu cette forme, mais je n’y avais pas prêté attention,
pensant qu’il s’agissait d’un morceau de bois mort ou de quelque déchet rejeté
par le lac. Mais maintenant que je l’observais plus attentivement, je réalisai
soudain ce que cela devait être.
    Nous
nous approchâmes prudemment. Olympias suivit à quelques pas. Auparavant, la
majeure partie de la chose avait dû se trouver immergée et brûlée par le
soufre. Ce qui en restait était couvert de boue, sans couleur et presque
décomposé. Nous regardions ce qui restait d’une tête humaine, encore attachée à
des épaules où l’on voyait des lambeaux de tissu décoloré. Le visage était
plongé dans la vase. A l’arrière de la tête, une couronne de cheveux gris
entourait un crâne chauve. Eco recula d’effroi.
    Avec
un bâton, je poussai sur les épaules du cadavre pour le retourner. De l’autre
main, je me couvris le nez. La chair du visage semblait s’être, d’une certaine
manière, liquéfiée. Quand je retournai le corps, le spectacle fut presque
insoutenable. Pourtant les traits étaient suffisamment visibles pour qu’Olympias
reconnaisse de qui il s’agissait. Elle frissonna et gémit dans sa manche :
    — Zénon !
    Je
n’eus même pas le temps de penser à ce qu’il convenait de faire. Olympias
décida pour moi. Avec un cri perçant, elle se baissa, ramassa la tête en la
prenant par une touffe de cheveux et la jeta dans le lac. Elle traversa les
nappes de brume, faisant des remous sur son passage. Puis elle frappa l’eau.
Pas un bruit d’éclaboussure, mais un son mat. Pendant un instant sinistre, le
temps s’arrêta. La tête demeurait à la surface du chaudron bouillonnant. Un
tourbillon de vapeur se forma en sifflant sous la tête. Les yeux ouverts nous
regardaient, comme ceux d’un homme en train de se noyer regardent désespérément
vers le rivage. Puis la tête s’enfonça dans la boue et disparut.
    — La
gueule d’Hadès l’a engloutie pour toujours, murmurai-je.
    Olympias
courait déjà vers le sentier, trébuchant et pleurant, et Eco, à genoux,
vomissait sur la plage.

 
     
     
     
     
     
     
     

Troisième partie
La mort dans la coupe

1
    — Cette
journée ne s’achèvera-t-elle jamais ?
    Fixant
le plafond, je me frottai le visage des deux mains.
    — Après
cette chevauchée, je suis sûr d’avoir mal au dos demain.
    Chaque
fois que je fermais les yeux, je voyais le visage horriblement décomposé

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