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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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évolutions d’une bataille beaucoup
plus bas. Je regardai par-dessus son épaule et vis que tout le lac était une
vaste mare qui crachait des flammes. Une multitude d’hommes, de femmes et d’enfants
enfoncés jusqu’à la taille se débattait dans la vase. Leurs bouches étaient
tordues par la souffrance, mais on entendait à peine les hurlements. Je
reconnus le petit Meto et le jeune Apollonius.
    Crassus
tourna la tête pour me regarder.
    — La
Justice romaine, dit-il avec une satisfaction macabre. Tu ne peux rien contre
elle.
    Il
me dévisagea bizarrement et je réalisai que j’étais nu. Je me retournai pour
rentrer dans ma chambre, mais ne trouvai plus la porte. Dans la confusion de l’instant,
je m’approchai trop près du bord. Une partie de la roche s’effondra. Crassus ne
sembla pas s’apercevoir que je basculais en arrière. J’essayai désespérément de
m’agripper à la roche qui tomba avec moi dans le vide…
    Je
me réveillai pour de bon. Ce rêve m’avait donné des sueurs froides et quand je
vis Meto se tenant près de moi son visage reflétait une vive inquiétude. De l’autre
côté de la pièce s’élevait le ronflement d’Eco, doux et régulier. Au-delà de la
terrasse, le ciel était bleu sombre. Les premières étoiles du soir
scintillaient. Meto tenait à la main une lampe qui projetait une pâle lumière
dans la pièce.
    — Ils
t’attendent, dit-il finalement avec quelque hésitation, en levant ses sourcils.
    — Qui ?
Pourquoi ?
    Complètement
désorienté, je regardai la lumière danser au plafond.
    — Tout
le monde est là, sauf toi.
    — Où ?
    — Dans le
triclinium [42] Ils t’attendent pour commencer à dîner. Mais je ne
sais pas pourquoi ils sont si pressés, poursuivit-il.
    — Pourquoi
dis-tu ça ?
    — Parce
que le dîner n’est même pas digne d’esclaves !
     
    Une
grande tristesse pesait sur le triclinium. Elle venait en partie de la gravité
de la situation. C’était le dernier repas avant les funérailles. Pendant la
nuit et toute la journée suivante, jusqu’au festin qui suivrait l’inhumation de
Licinius, tout le monde dans la maison jeûnerait. La tradition prescrivait un
repas d’une rigoureuse simplicité : du pain ordinaire et des lentilles, du
vin coupé d’eau et de la bouillie d’avoine. Le cuisinier de Gelina avait tout
de même préparé de rares mets plus délicats, tous de couleur noire : des
œufs de poisson noirs servis sur des croûtons de pain noir, une marinade d’œufs
colorés en noir, des olives noires, et du poisson poché dans de l’encre de
poulpe.
    Mais
la tristesse avait une autre origine. Ce soir, Marcus Crassus était là, et sa
présence semblait annihiler toute spontanéité. Ses lieutenants Mummius et
Fabius, allongés l’un à côté de l’autre à sa droite, étaient taciturnes comme à
l’ordinaire. De l’autre côté, à leurs regards gênés et à leurs visages crispés,
on voyait bien que ni Metrobius ni Iaia ne se sentaient à l’aise en présence du
grand homme. Olympias avait l’esprit ailleurs ; ce qui s’expliquait après
le choc subi au lac Averne. J’étais même surpris qu’elle se trouvât parmi nous.
Son expression hagarde ne faisait qu’accentuer sa beauté à la lueur pâle des
lampes. Eco ne pouvait détacher ses yeux d’elle.
    Gelina
se trouvait dans un état de vive agitation. Elle ne cessait d’appeler les
esclaves. Lorsqu’ils arrivaient près d’elle, elle ne savait plus pourquoi elle
les avait fait venir. Loin de détourner les yeux, elle posait son regard
impénétrable sur chaque visage, nous fixant l’un après l’autre intensément.
Même Metrobius avait perdu sa verve.
    Crassus
lui-même était préoccupé et distant. Il conversait presque exclusivement avec
Mummius et Fabius. Sur un ton cassant, ils échangeaient des remarques sur l’état
des troupes. Ne prêtant pas grande attention à qui que ce soit d’autre, il
aurait aussi bien pu dîner seul. Il mangeait de bon cœur, mais il avait l’air
pensif.
    Seul
le philosophe Dionysius paraissait échapper à cette morosité. Ses yeux
pétillaient et ses joues étaient légèrement colorées. Son petit tour à Cumes l’a
revigoré, pensai-je.
    Ou
alors il avait trouvé ce qu’il cherchait en espionnant Olympias, ce dont il se
réjouissait au plus haut point. Mais après tout, me dis-je soudain, il était
peut-être tout simplement subjugué par sa beauté, comme nous tous. Qui sait, un
désir

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