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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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sera
jamais vraiment un homme.
    — Tout
ce qu’a dit Fabius est l’exacte vérité, intervint Crassus. Quant à Dionysius,
il a tort : évoquer une sorte de vague continuité entre les révoltes d’esclaves
est absurde. Les esclaves n’ont aucun lien avec le passé. Comment pourrait-il
en être autrement, ils ignorent même le nom de leurs ancêtres ? Ils sont
comme les champignons qui surgissent de la terre en grand nombre selon le
plaisir des dieux. A quoi servent-ils ? Les esclaves sont les instruments
humains mis à notre disposition par la volonté divine ; cette volonté qui
inspire les grands hommes et enrichit une grande République comme la nôtre. Ils
n’ont pas de passé, et le passé ne les intéresse en rien. Ils n’ont pas
davantage de sens de l’avenir.
    — Bravo !
Bravo ! s’exclama Mummius légèrement ivre.
    Metrobius
lui décocha un regard méprisant et voulut dire quelque chose, mais il se
ravisa.
    — L’esclave
ordinaire qui travaille dans les champs vit au jour le jour, poursuivit
Crassus. Au-delà de ses besoins immédiats et de la nécessité de satisfaire son
maître, il est conscient de très peu de choses. Voilà la condition naturelle de
l’esclave : être satisfait de son sort ou, à défaut, s’y résigner. Pour de
tels hommes, se révolter et tuer leurs supérieurs est contre nature. La révolte
de Spartacus – comme celle du sorcier Eunus et d’une poignée d’autres – est
une aberration, une perversion, un accroc dans la grande toile du cosmos tissée
par les Parques.
    Dionysius,
penché en avant, buvait les paroles de Crassus.
    — Tu
es vraiment l’homme du moment, Marcus Crassus. Non seulement un homme d’État et
un général, mais également un philosophe. La loi et l’ordre seront restaurés et
Spartacus sera oublié.
    — Bien
dit ! s’exclama Mummius.
    Dionysius
se rallongea avec un sourire faussement timide.
    — Je
me demande où se trouve cet infâme Spartacus en ce moment.
    — Il
est terré du côté de Thurii, dit Mummius.
    — Oui,
mais que fait-il précisément alors que nous parlons ? Est-il en train de
se repaître de victuailles volées, en jubilant avec ses hommes à propos de
leurs victoires ? Est-il déjà allé se coucher ? Après tout, que
peuvent vouloir se raconter des esclaves incultes pour veiller après le
crépuscule ? Est-il couché sous une tente empestant de son infecte odeur ?
Ou sur des pierres dures sous le ciel étoilé ? Non, pas sous le ciel étoilé,
car les dieux, qui le méprisent, ne l’accepteraient pas. Non, un tel homme doit
dormir dans une grotte, à même le sol humide et froid, comme la bête sauvage qu’il
est.
    Mummius
s’esclaffa.
    — Dormir
dans une grotte n’a rien d’effrayant. Et nous pourrions parler d’épisodes de
jeunesse d’un certain grand homme.
    Il
jeta un regard entendu vers Crassus, qui sourit à contrecœur. Dionysius, quant
à lui, pinça les lèvres pour dissimuler un sourire de triomphe. De toute
évidence, il était arrivé là où il voulait en venir et Mummius s’était prêté
involontairement à la manœuvre. Le philosophe hocha la tête.
    — C’est
vrai. Comment ai-je pu oublier une histoire aussi merveilleuse ? C’était
aux heures sombres avant que Sylla soit dictateur ; les tyrans Cinna et
Marius, ennemis des Licinius, semaient la terreur dans la République. Ils
avaient poussé le père de Crassus au suicide et tué son frère. Quant au jeune
Marcus – tu avais quoi ? vingt-cinq ans ? – il
dut fuir en Espagne pour avoir la vie sauve.
    — Vraiment,
Dionysius, je pense que tout le monde ici a déjà entendu maintes fois cette
histoire.
    Crassus
s’efforçait de paraître ennuyé, mais le sourire, au coin de ses lèvres, le
trahissait. L’évocation de son histoire le réjouissait visiblement et il ne
résistait pas au plaisir de l’entendre une nouvelle fois.
    Dionysius
insista :
    — Non,
non. Tout le monde ne l’a pas entendue. Gordien, notamment, et son fils Eco.
    « Et
Iaia et sa jeune protégée. Elles ne connaissent sûrement pas l’histoire de
Crassus et de la grotte marine.
    Dionysius
se tourna vers les deux femmes avec un regard concupiscent. Olympias rougit
jusqu’aux oreilles tandis que Iaia devint pâle comme la mort.
    — Je
connais parfaitement cette histoire, protesta-t-elle.
    — Eh
bien alors, je vais la raconter pour Gordien.
    Et
il commença :
    — Quand
le jeune Crassus arriva en Espagne, fuyant les

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