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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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prudence. Quant
à Apollonius, il fermait respectueusement la marche.
    C’était
l’heure la plus chaude du jour, celle où l’on a le plus envie de somnoler. En
approchant de l’abri à bateaux, je levai les yeux vers les collines, pensant à
tous ces gens obligés de rester des heures à attendre que les flammes consument
lentement les restes de Lucius Licinius. Je voyais la petite colonne de fumée
épaisse et blanche s’élever au-dessus des arbres. La brise marine la dispersait
rapidement et les volutes disparaissaient dans le bleu du ciel.
    La
flottille était toujours amarrée le long de la jetée. Les bateaux s’entrechoquaient.
En m’avançant, je remarquai quelques hommes qui somnolaient dans les bateaux.
Leurs jambes pendaient dans l’eau et leur visage était caché par un chapeau à
large bord. La plupart des mariniers et des esclaves s’étaient mis en quête de
nourriture. D’autres étaient allés dormir tranquillement sous les arbres de la
colline ombragée.
    — Qu’as-tu
perdu ? demanda Apollonius, en sondant des yeux l’eau claire entre deux
bateaux.
    — Je
n’ai pas exactement perdu quelque chose…
    — Mais
alors, que dois-je chercher ?
    — En
fait, je ne sais pas vraiment. Quelque chose d’assez lourd pour, en tombant
dans l’eau, faire un gros plouf.
    Il
me regarda d’un air dubitatif, puis haussa les épaules.
    — L’eau
pourrait être plus claire. Mais je pense que maintenant la vase remuée par l’arrivée
de ces embarcations doit être en grande partie retombée au fond. Et avec tous
ces bateaux, je risque de ne pas avoir beaucoup de lumière en dessous. Mais si
je vois quoi que ce soit d’insolite, je le remonte.
    Il
défit sa ceinture, enleva sa tunique et son caleçon, et se retrouva tout nu.
Ses cheveux ébouriffés avaient des reflets bleu-noir dans le soleil, tandis que
des taches de lumière, réfléchies par l’eau, dansaient sur les muscles de sa
poitrine et de ses jambes. Eco le regardait avec un mélange de curiosité et d’envie.
Soulevant un coin de son chapeau, l’un des marins émit un sifflement grossier,
mais laudatif. Apollonius parut l’ignorer. Il devait être habitué depuis
longtemps à ce genre de réaction.
    Il
souleva les épaules et inspira plusieurs fois profondément. Puis il trouva
entre deux bateaux un espace assez large pour plonger. La surface de l’eau se
rida à peine derrière lui.
    J’arpentai
la jetée de long en large, scrutant les fonds verts et apercevant par instants
la blancheur de sa nudité entre les pierres couvertes d’algues et les pilotis.
Dans l’eau, il se mouvait aussi gracieusement que sur terre, poussant avec ses
deux jambes simultanément et utilisant ses bras comme des ailes.
    Une
mouette passa au-dessus de nous. La colonne de fumée du bûcher funéraire au
loin continuait de s’élever au-dessus des arbres. Apollonius ne remontait
toujours pas. Enfin, je le vis et il émergea.
    Impatient,
je lui demandai ce qu’il avait vu. Il leva sa main. Il avait d’abord besoin de
respirer, pas de parler. Progressivement, sa respiration devint plus lente,
plus régulière. Finalement, il ouvrit la bouche… Pour parler, pensai-je. Mais
il se contenta d’inspirer profondément. Alors il se plia en deux et… replongea.
    Le
battement de ses pieds laissa une traînée de bulles derrière lui.
    Il
plongea verticalement et disparut dans l’obscurité. Je recommençai à arpenter
la jetée et à scruter l’eau. La mouette tournait toujours. La fumée montait. Un
nuage passa devant le soleil. Maintenant, tous les hommes, sur les bateaux, s’étaient
réveillés. Ils nous regardaient, avec curiosité.
    — Ça
fait un moment qu’il est là-dessous, dit finalement l’un d’eux.
    — Oui,
un bon moment, dit un autre. C’est long même pour un gars doté d’une si
puissante poitrine.
    — Bah !
Ce n’est rien, dit un troisième. Mon frère pêche les perles. Il peut rester
sous l’eau encore deux fois plus longtemps.
    — Tout
de même…
    Je
regardai entre les bateaux, essayant de voir s’il était remonté à notre insu.
Peut-être s’était-il heurté la tête sous une coque. Ce n’était vraiment pas le
moment de lui demander de plonger, alors que tous ces bateaux étaient amarrés.
Apollonius lui-même s’était plaint de l’ombre qu’ils projetaient sur le fond.
Même les dauphins ont besoin de lumière pour nager. Le frère du pêcheur de
perles avait beau dire, il semblait difficile

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