Lettres - Tome II
les accusés resteraient exposés aux soupçons, si on ne les entendait pas, « je ne me soucie pas si eux y seront exposés, mais moi j’y suis exposé ». Puis se tournant vers nous : « Examinez ce que je dois faire ; car ces gens-là veulent se plaindre de ce qu’on leur permet de n’être pas accusés. » Puis d’après l’avis du conseil il fit déclarer aux héritiers qu’ils devaient ou poursuivre tous le procès ou faire accepter chacun à part ses motifs de désistement ; sinon il les condamnerait comme calomniateurs.
Vous voyez quelles nobles, quelles graves journées ! suivies du reste des plus agréables délassements. Nous étions invités chaque jour au dîner de l’empereur, dîner très simple, pour un prince. Parfois nous assistions à des récréations, parfois la nuit s’avançait dans les plus charmants entretiens. Le dernier jour, au moment de notre départ, tant la bonté de César est attentive, il nous envoya de menus présents. Mais pour moi, autant que la gravité des jugements, que l’honneur d’être admis au conseil, que la douceur et la simplicité de l’accueil, le charme du paysage lui-même m’a enchanté.
La villa magnifique, entourée de campagnes verdoyantes, domine le rivage qui forme un golfe où l’on construit juste en ce moment un port. La jetée de gauche déjà bâtie est un ouvrage très solide, celle de droite est en construction. À l’entrée du port on élève une île artificielle, qui, opposant ses flancs aux flots poussés par le vent, doit les briser et offrir deux passages latéraux tout à fait sûrs pour les navires. Elle s’élève grâce à des travaux d’art qui méritent d’être vus ; d’énormes blocs y sont apportés par un large chaland ; ces blocs précipités dans l’eau les uns sur les autres, se fixent par leur propre masse, et peu à peu s’amoncellent en forme de digue. Déjà émerge et apparaît un dos de rochers sur lequel les vagues se jettent, se brisent et rejaillissent en un nuage d’écume ; elles s’y heurtent avec un grand fracas et le bordent d’une ceinture blanche. Plus tard on complètera l’enrochement avec des pierres qui à la longue donneront à l’ouvrage l’apparence d’une île naturelle. On appellera, on appelle déjà ce port du nom de son fondateur et il sera d’une grande utilité. Car cette côte qui n’offre sur une très longue étendue aucun abri jouira désormais de ce refuge. Adieu.
XXXII. – C. PLINE SALUE SON CHER QUINTILIEN.
Le présent délicat.
Quoique vous soyez l’homme le plus rangé et que vous ayez donné à votre fille l’éducation qui convenait à votre fille et à la petite fille de Tutilius, puisqu’enfin elle doit épouser cet homme distingué, Nonius Celer, à qui l’exercice des fonctions publiques impose comme une nécessité une certaine représentation, il faut régler sur le rang de son mari, la toilette et le train de maison à lui donner, car si ce luxe n’ajoute rien au mérite, il lui sert de parure. Or je sais que, si vous êtes riche des biens de l’esprit, vous êtes moins bien partagé pour ceux de la fortune ; je réclame donc pour moi une partie de votre fardeau et à titre de second père j’apporte à notre enfant cinquante mille sesterces, désireux de lui en apporter davantage, si je n’étais sûr que seule là médiocrité de mon présent peut obtenir de votre délicatesse que vous n’y opposiez pas un refus. Adieu.
XXXIII. – C. PLINE SALUE SON CHER ROMANUS {23} .
Le grand succès oratoire.
Enlevez tout, dit-il, emportez les travaux commencés {24} .
Que vous écriviez ou que vous lisiez, faites enlever, faites emporter tout et prenez en main mon discours, ce discours divin comme l’armure fameuse (est-ce assez de fierté ?), ou plus exactement ce discours, beau pour un des miens, car c’est assez pour moi de rivaliser avec moi-même.
Je l’ai écrit pour Attia Viriola et le rang de la personne, la rareté de l’exemple, l’importance du tribunal, lui donnent de l’intérêt. Cette femme de haute naissance, mariée à un ancien préteur, avait été déshéritée par un père octogénaire onze jours après que, entraîné par une folle passion, il lui avait donné une belle-mère. Elle réclamait les biens de son père devant les quatre sections des centumvirs. Cent quatre-vingts juges siégeaient (c’est le nombre qui compose les quatre sections), de part et d’autre une foule d’avocats
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