Lettres
hôteliers déposent la cerise sur le gâteau en cachant la peinture derrière des planches… comme si de rien n’était ! Et personne au Mexique ne proteste ! Comme on dit vulgairement : « L’affaire est close. »
Mais moi, oui, je proteste, et je tiens à vous signaler que votre gouvernement est en train d’assumer une énorme responsabilité historique en permettant que l’œuvre d’un peintre mexicain, mondialement reconnu comme l’un des plus hauts représentants de la Culture du Mexique, soit recouverte, cachée aux yeux du peuple de ce pays et à ceux du public international pour des raisons sectaires, démagogiques et mercenaires .
Ce genre de crimes contre la culture d’un pays, contre le droit de chaque homme à exprimer ses pensées, ces attentats assassins de la liberté n’ont été perpétrés que sous des régimes comme celui de Hitler, ou, actuellement, sous le gouvernement de Francisco Franco, ou bien encore, par le passé, à l’époque obscurantiste et négative de la « Sainte Inquisition ».
Vous qui représentez à l’heure actuelle la volonté du peuple du Mexique, dont les libertés démocratiques ont été gagnées grâce aux efforts incomparables d’un Morelos ou d’un Juárez et grâce au sang versé par le peuple lui-même, vous ne pouvez pas permettre que quelques actionnaires, de connivence avec quelques Mexicains de mauvaise foi, recouvrent les mots de l’Histoire du Mexique et l’œuvre d’un citoyen mexicain que le monde civilisé reconnaît comme l’un des peintres les plus illustres de notre temps.
J’ai honte rien qu’en pensant à pareil outrage.
Je me suis amicalement adressée au directeur de l’Institut national des beaux-arts, notre ami commun Carlos Chávez ; il s’est empressé d’écrire officiellement au Bureau du patrimoine, car cette entité semble la plus indiquée pour protéger les œuvres d’art victimes de conflits comme celui-ci.
Toutes ces démarches bureaucratiques ne mènent en général qu’au silence, malgré la bonne volonté des amis et des fonctionnaires.
Je sais aussi que les lois, malheureusement, ne garantissent pas suffisamment la propriété artistique, mais vous, en tant qu’avocat, vous savez bien que les lois sont et ont toujours été élastiques.
Il est une chose qui ne figure dans aucun code, je veux parler de la conscience culturelle des peuples, qui ne permet pas que l’on construise des appartements dans la chapelle Sixtine de Michel-Ange.
Voilà pourquoi je m’adresse à vous, très simplement et directement, non pas en tant qu’épouse du peintre Diego Rivera, mais en tant qu’artiste et citoyenne du Mexique, et avec le droit que me confère cette citoyenneté je vous demande :
Allez-vous permettre que le décret présidentiel que vous avez vous-même proclamé et qui protège les œuvres d’art exécutées sur des bâtiments appartenant à la nation (tel est le cas de l’Hôtel Del Prado, qui est la propriété de la Caisse des allocations, c’est-à-dire des fonctionnaires de ce pays, même si « légalement » c’est une société prête-nom qui figure sur les papiers) soit foulé au pied par quelques marchands sectaires et cléricaux ?
Vous-même, en tant que citoyen mexicain et, surtout, en tant que Président de votre peuple, allez-vous permettre que l’on fasse taire l’Histoire, les mots, l’action culturelle, le message de génie d’un artiste mexicain ?
Allez-vous permettre que l’on détruise la liberté d’expression, l’opinion publique, l’avant-garde de tout peuple libre ?
Tout cela au nom de la bêtise, de l’obscurantisme, de « la triche » et de la trahison de la démocratie .
Je vous supplie de vous répondre à vous-même en toute honnêteté, et de réfléchir au rôle historique qui vous incombe, en tant que mandataire du Mexique, face à un fait de cette importance.
Je pose le problème à votre conscience de citoyen d’un pays démocrate.
Vous devez appuyer cette cause, commune à tous ceux qui ne vivent pas sous des régimes maniant l’oppression la plus honteuse et destructrice.
En défendant la culture, vous démontrez à tous les peuples du monde que le Mexique est un pays libre . Que le Mexique n’abrite pas le peuple inculte et sauvage des Pancho Villa. Que le Mexique est démocrate et qu’on y respecte aussi bien les bénédictions de monseigneur l’archevêque Martínez que les paroles historiques du
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