Lettres
que je respecte profondément, en racontant des bêtises sur sa vie. Je voudrais, bien au contraire, exprimer comme il le mérite, avec la poésie que je ne maîtrise pas, ce que Diego est en réalité.
Sa peinture elle-même parle déjà – prodigieusement – de sa peinture.
Sa fonction en tant qu’organisme humain, les hommes de science s’en chargeront. Quant à sa précieuse contribution sociale révolutionnaire, son œuvre objective et personnelle, je laisse ça à ceux qui sauront mesurer sa transcendance incalculable dans le temps. Mais moi, qui l’ai vu vivre vingt années durant, je n’ai pas les moyens d’organiser et de décrire les images vivantes susceptibles, même faiblement, mais en profondeur, de dessiner les contours les plus élémentaires de sa personne. De ma maladresse ne sortiront que quelques opinions, qui seront le seul matériau que j’aurai à offrir.
Les racines profondes, les influences externes et les véritables causes qui conditionnent la personnalité inégalable de Diego sont si vastes et si complexes que mes observations seront de petites pousses parmi les multiples branches de cet arbre gigantesque qu’est Diego.
Il existe pour moi trois directions ou lignes principales dans son portrait : la première est celle du combattant révolutionnaire constant, dynamique, extraordinairement sensible et plein de vie ; travailleur infatigable lorsqu’il exerce son métier, qu’il connaît comme peu de peintres au monde ; un fantastique enthousiaste de la vie, en même temps toujours mécontent de ne pas avoir pu en savoir davantage, construire davantage et peindre davantage. La deuxième : celle de l’éternel curieux, du chercheur insatiable ; et la troisième : sa carence absolue de préjugés et, par conséquent, de foi, car Diego accepte – comme Montaigne – que là où s’achève le doute commence la bêtise, et celui qui a foi en quelque chose admet la soumission inconditionnelle, sans liberté d’analyser ou de changer le cours des choses. Du fait de cette conception parfaitement claire de la réalité, Diego est rebelle et, parce qu’il connaît merveilleusement la dialectique matérialiste de la vie, Diego est révolutionnaire. De ce triangle, sur lequel sont bâties les autres modalités de Diego, il se détache une sorte d’atmosphère qui englobe le tout. Cette atmosphère mobile est l’amour, mais l’amour en tant que structure générale, en tant que mouvement constructeur de beauté. J’imagine le monde qu’il voudrait vivre comme une grande fête où chaque être prendrait part, hommes et pierres, soleils et ombres, tous mettant à contribution leur beauté et leur pouvoir de création. Une fête de la forme, de la couleur, du mouvement, du son, de l’intelligence, de la connaissance, de l’émotion. Une fête sphérique, intelligente et amoureuse, qui recouvre la surface de la terre. Pour mener à bien cette fête, il lutte continuellement et il offre tout ce qu’il a : son génie, son imagination, ses mots et ses actions. Il lutte à chaque instant pour gommer de l’homme la peur et la bêtise.
À cause de son profond désir d’aider à rendre la société dans laquelle il vit plus belle, plus saine, moins douloureuse et plus intelligente, et parce qu’il met au service de cette Révolution sociale, inéluctable et positive, toute sa force de création, son génie bâtisseur, sa sensibilité pénétrante et son travail constant, Diego est continuellement l’objet d’attaques. Durant ces vingt dernières années, je l’ai vu lutter contre l’engrenage complexe des forces négatives contraires à son élan de liberté et de transformation. Il vit dans un monde hostile car l’ennemi est majorité, mais ça ne lui fait pas peur et, tant qu’il vivra, de ses mains, de ses lèvres et de tout son être sortiront de nouveaux souffles de combat, vivants, courageux et profonds.
Comme Diego, d’autres se sont battus, tous ceux qui ont apporté une lumière sur la terre ; comme eux, Diego n’a pas d’« amis », seulement des alliés. Ceux qui émergent d’eux-mêmes sont magnifiques : une intelligence brillante, une connaissance claire et profonde du matériau humain à l’intérieur duquel il travaille, une solide expérience, une grande culture acquise non pas dans les livres, mais inductive et déductive ; un génie et un désir de construire, avec des fondements de réalité, un monde dépourvu de
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