Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
Vom Netzwerk:
l’illusion de la réalité.
    Il me restait à trouver qui. C’est là, mon cher Titus, que ton frère fut brillant. En confrontant les indices, j’aperçus la main dans l’ombre. Salomé avait prétendu voir Yéchoua en rentrant au petit palais d’Hérode. Myriam de Magdala l’avait rencontré dans les jardins de Yasmeth, des plantations qui appartiennent à la famille d’Hérode et où celui-ci va chasser lorsqu’il séjourne à Jérusalem. Enfin, près d’Emmaüs, se trouve justement la résidence d’été qu’Hérode affectionne. Hérode,
    Hérode, Hérode ! Il manœuvrait cette conspiration.
    Sans hésiter, je me fis précéder d’un manipule et j’arrivai au petit palais d’Hérode.
    Chouza, son intendant, ne cacha ni sa surprise ni son trouble en me voyant. Se mordant la bouche, les lèvres privées de sang, il improvisa une excuse pour m’empêcher d’entrer.
    — Sa Majesté est endormie. Elle revient de la chasse. Elle a bu et festoyé…
    — Je me doute bien, mon bon Chouza, qu’à cette heure Hérode cuve son vin. Réveille-le, verse-lui de l’eau sur le visage – il ne supporte l’eau qu’à l’extérieur – et introduis-moi.
    Chouza disparut. J’entendis des grognements, puis des hurlements au fond du palais, enfin Chouza réapparut, congestionné, et fit ouvrir les deux grandes portes de bronze qui menaient à la salle des audiences.
    — Pilate ! Mon ami Pilate ! Les plus jolies bouclettes de tout l’Empire romain !
    Au fond, Hérode, pâle et vert, étalé sur une myriade de coussins telle une huître dans sa coquille ouverte, m’adressait des signes avec les bras.
    — Pilate ! Pilate ! Tu sens meilleur qu’une femme ! Tu as la peau plus douce que n’importe quelle catin ! Comme Tibère doit t’aimer !
    J’étais habitué aux flatteries d’Hérode, cette hypocrisie sonore, haute en superlatifs, en allusions sexuelles, une hypocrisie manifeste, pleine de faconde, très orientale. Cette flagornerie finissait par devenir sa franchise, une manière de me signifier qu’il était content de me voir, qu’il me recevait de bon cœur.
    — Regardez-moi ce bourreau des cœurs. Le visage rasé, les cheveux coupés puis frisés au fer, les bras et les jambes épilés, le corps huilé et parfumé. Et on m’a dit que tu te laves, Ponce Pilate, tous les jours ! Tous les jours, est-ce possible ? Quel raffinement exquis ! Je suis sûr que ta femme, la ravissante Claudia Procula, doit être heureuse d’avoir un homme aussi lisse qu’un galet ! Heureusement qu’elle n’a pas épousé l’un de nous. Elle s’évanouirait tant nous fouettons… Enfin, moi, surtout, qui suis brouillé avec l’eau. Demande donc à Hérodiade, ma vieille guenon !
    Il poussa un énorme éclat de rire. J’avais appris à ne pas relever les nombreuses grossièretés qui épiçaient son discours : il fallait les mettre sur le compte de sa bonne humeur.
    Je regardai autour de moi et je remarquai, vautrées sur les autres lits, quelques jeunes esclaves, dénudées. Hérode commenta mon coup d’œil circulaire.
    — Eh oui, si je n’avais pas de la belle chair autour de moi, j’aurais l’impression d’habiter déjà mon tombeau. J’ai soixante ans, sais-tu, très peu de cheveux et plus aucune dent. Mais ce n’est pas parce qu’on manque de crocs qu’on n’a plus d’appétit !
    — Je te croyais très pieux.
    Il s’assombrit et, d’un geste, chassa l’intendant et les autres témoins. Les portes se refermèrent sur nous et les filles endormies.
    — Je ne les touche pas. Jeune, avec ma trique, je pouvais casser des noix, Pilate, je l’avais dure comme du bois d’olivier. Aujourd’hui, je ne pourrais même plus faire de mal à une figue pourrie. Et toi ?
    Je me contentai de rire en guise de réponse. Je savais qu’une conversation avec Hérode commençait toujours par des obscénités.
    — Et toi ? insista-t-il.
    — Je ne suis pas venu te parler des prouesses de mon entrejambe, Hérode.
    — Prouesses ? Alors, tout va bien ! Tant mieux pour toi. Je te demandais cela parce que, parfois, je me dis que mes défaillances viennent peut-être du pouvoir plus que de l’âge. Mais si tu me dis que… Et Tibère ? Il est plus vieux que moi et détient encore plus de pouvoir ! Est-ce que, d’après tes renseignements, il est toujours capable de…
    — Je n’en sais rien, Hérode.
    Je mentais naturellement. Nous savons que Tibère est obligé de mettre en

Weitere Kostenlose Bücher