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L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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se convaincre qu’il avait bien entendu ce qu’il avait entendu et il y eut un éclair de pitié méprisante dans ses yeux. Puis il éclata de rire.
    — Que me racontes-tu, Pilate ? Je l’ai rencontré, ton homme, et pas plus tard qu’hier. Pas très solide, pas très fort sur ses jambes. Du charme mais pas de santé.
    — Vous avez parlé ?
    — Naturellement.
    — Et alors ?
    — Je n’ai pas été convaincu.
    Fabien signala à ses hommes qu’ils allaient repartir.
    Je ne pus m’empêcher de crier :
    — Mais enfin, Fabien, tu as parlé avec un ressuscité !
    Fabien ne cilla même pas. Il monta sur son cheval et me considéra avec désolation.
    — Ah non, Pilate, tu ne vas pas me faire croire que tu gobes ça aussi ! Cela fait trop longtemps que tu demeures en Palestine. Décidément, le pouvoir est romain, la culture grecque, la folie juive…
    Il donna un coup d’éperon et disparut.
    Je n’avais même pas eu le temps de lui demander où était Claudia. Mais peut-être ne voulais-je pas l’apprendre de lui.
    Je deviens compliqué. Ou beaucoup plus simple ? En attendant, porte-toi bien.

De Pilate à son cher Titus
    À je ne sais quel frémissement dans l’air, je sentais que j’approchais du but.
    Depuis le matin, nous suivions les nuages qui avaient commencé à déposer un filet d’encre délavé au firmament, puis avaient noirci, s’étaient gonflés, amoncelés, et se dirigeaient vers le mont Tabor. La foule, en longue file brune, serpentait à travers les escarpements.
    En passant le premier col, nous avons appris que les onze disciples nous précédaient. Nous devions faire vite.
    Les nuages se bousculaient dans le ciel, pleins à crever, fumant d’une lumière noire. L’orage allait éclater.
    Puis une grande clarté, une épée d’acier étincelante creva les nuées et vint frapper le mont. La foudre venait de tomber là-haut. Je pensai en moi-même : trop tard.
    Des gouttes épaisses s’écrasèrent sur nous, longues, drues, serrées. Certains s’abritèrent sous des rochers et quelques-uns, dont moi, continuèrent d’avancer.
    Quand nous fumes au pied de l’ultime raidillon, nous vîmes la montagne dégorger les apôtres.
    Je faillis ne pas les reconnaître. Au lieu des lâches apeurés, couraient désormais des hommes forts, vigoureux, au visage brillant de santé et de joie. Ils vinrent au-devant de nous et nous embrassèrent. Ils parlaient tous en même temps, véloces, enthousiastes, et les mots coulaient facilement de leur bouche :
    — Yéchoua nous a rejoints à l’abri d’une bergerie, alors que nous partagions le pain et le vin ainsi qu’il nous l’avait appris. Il nous a demandé plusieurs fois si nous l’aimions ; il y avait quelque chose d’angoissé dans sa question, comme si toute sa mission s’écroulerait si nous répondions mal. Il semblait moins paisible qu’auparavant, passait de la tendresse à la violence, avec cette voix tremblante qu’ont les amis qui partent pour un très long voyage. Quand Syméon l’eut rassuré, lui eut répété deux fois que nous l’aimions, il montra les moutons autour de nous sur la montagne. « Prenez soin de mes brebis. Je vous le dis en vérité : quand vous étiez jeunes, vous enrouliez vous-même votre ceinture et vous alliez où vous vouliez ; mais quand vous serez vieux, vous étendrez les bras, un autre enroulera votre ceinture et vous conduira où vous voudrez. »
    « Nous n’avons pas compris ses mots. Nous les comprendrons sans doute un jour, comme tout ce qu’il nous a dit, quand nous aurons progressé en sagesse.
    « Puis il fit venir à lui trois d’entre nous, Syméon, André et Yohanân, les trois qui se tenaient auprès de lui, la nuit de son arrestation, au mont des Oliviers, lorsqu’il attendait la mort. Il voulait que ceux qui l’avaient connu au plus bas l’aident à gravir la pente.
    « Nous sommes montés au sommet.
    « Il était faible, notre Yéchoua, maigre, efflanqué, tel qu’on l’avait cloué sur la croix, ses plaies ouvertes. Un corps si frêle, si léger qu’on avait du mal à concevoir qu’il tînt encore debout. Où allait-il chercher sa force ? Pas dans ses muscles déchirés. Pas dans sa chair vidée de toute eau. Pas dans ses os saillants. De cette carcasse au bord d’un ravin, une force émanait encore, celle de ses yeux ; c’était là que s’était réfugiée la vie, une vie forte, têtue, violente, presque en colère.
    « À la cime,

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