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L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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méditer depuis des années.
     
    Un détail semble contredire mon interprétation. Il s’agit du court passage de Luc (2 : 45-51) où Jésus, âgé de douze ans, en voyage à Jérusalem, abandonne ses parents pour discuter avec les érudits et les prêtres du Temple. Lorsque Joseph et Marie s’étonnent, il répond : « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? » La surprise des parents montre que, eux, en tout cas, ne s’attendaient pas à cette réponse. Ce qui contredit les récits d’annonciations faites à Marie comme à Joseph. Bref, cela se résume à une anecdote banale comme on en rapporte sur toutes les vocations. Négligeable, donc.
     
    Le rôle de Marie…
    Autant j’aime cette personne, autant je ne lui donne pas un rôle important. Car, dans ma lecture des Évangiles où elle est très peu mentionnée – à ma connaissance, elle ne prononce que quatre ou cinq phrases –, je n’éprouve pas plus que les évangélistes le besoin de lui accorder une place déterminante. Peut-être cela choquera-t-il certains lecteurs. Sans doute cela peinera mes deux grands-mères, qui, comme tant de petites filles de France au début du XXe siècle, ont été baptisées Marie…
    Dans mon roman je ne pourrai expliquer mes choix, c’est pourquoi dans ce journal, j’éprouve le besoin de les exprimer.
    Pour moi Jésus a un père humain et une mère humaine. Il est le fruit des amours de Joseph et de Marie. Pas plus que les évangélistes Jean et Marc je n’ai besoin de penser autre chose. C’est la résurrection de Jésus qui m’étonne, pas sa naissance.
    Seuls Matthieu et Luc – dont les textes sont parfois siamois – se sentent obligés d’ajouter les récits de l’Annonciation. Ils font descendre des anges du ciel et mettent Marie dans la confidence concernant le destin de son fils. Pourquoi ? J’y vois un souci de conteur, un réflexe du genre « ouvrez grandes vos oreilles, je vais vous narrer une histoire fort peu ordinaire ». Du coup, le bonimenteur qui veut capter l’attention des foules a tendance à placer le début à la fin, à faire pressentir la conclusion.
    Cependant rendre d’emblée manifeste un thème qu’on doit réserver à la conclusion me paraît d’aussi mauvaise littérature que de mauvaise philosophie. Cela confère au récit un caractère de légende – une légende qui ressemble à bien d’autres légendes – et c’est, me semble-t-il, ce qu’il faut surtout éviter !
    Par ailleurs, aucun des quatre évangélistes ne nous précise ensuite ce qui arrive à Marie après la mort et la résurrection de son fils.
    De même, aucun ne la décrit comme une vierge éternelle puisqu’elle a d’autres enfants avec Joseph, enfants qui sont mentionnés dans tous les Évangiles, par Paul et par l’historien Flavius Josèphe, enfants parmi lesquels Jacques, une fois Jésus disparu, semble avoir joué un rôle important pour la première communauté chrétienne.
    Le rôle donné à Marie apparaît nettement comme le fruit de l’histoire du christianisme plus que le produit des Évangiles. À travers le temps, Églises et conciles ont rajouté de nombreuses notions à son sujet : assomption, virginité perpétuelle, rôle de médiatrice, le sommet étant la théorie de l’Immaculée Conception en 1854. Or, si je comprends bien les mouvements sociaux et historiques – plus que théologiques – qui ont incité les institutions à ajouter ce qui n’avait jamais été écrit ni mentionné dans les Évangiles, j’en demeure néanmoins surpris, sinon choqué.
    Selon moi, il ne saurait y avoir de dogmes que s’ils sont révélés, pas décidés. Comment l’Église pourrait-elle créer de nouveaux dogmes ? Sa mission n’est-elle pas tout simplement de conserver ceux qui existent ?
    Marie, je la verrai donc avec les yeux de Jésus, avec amour, respect, compassion, une femme qui a forcément ses limites, qui ne comprend pas tout (Matthieu, 12 : 46-50, Marc 3 : 25-31 et Luc 8 : 19-21), qui souffre mais qui, la première, lui a appris et montré ce que c’était qu’aimer.
     
    Incarnation : Jésus naît et meurt comme un homme. C’est la Résurrection qui en fait le fils de Dieu.
     
    Pendant ces dernières dix années, j’ai lu des sommes historiques concernant Jésus, son procès, la vie quotidienne à Jérusalem, les mouvements politiques et religieux dans cette région du monde, même des traités de médecine sur la crucifixion. Tout

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