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L'expédition

L'expédition

Titel: L'expédition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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plaines. Jourdain ordonna à Thomas l’Écuyer de désigner trois hommes et dit qu’il avait grande envie d’aller avec eux à la chasse aux nouvelles par les buissons du bas. Pierre l’approuva d’un hochement de tête insouciant. Comme son compagnon s’éloignait, il lui lança, sans se détourner de sa veille :
    — Nous avons des amis parmi ces malandrins.
    Jourdain n’entendit pas, le vent soufflait trop fort.
    À grand-peine il se fraya un passage dans la bousculade de la cour où partout, adossés aux tonneaux, aux piliers des auvents, parmi les tas de paille au seuil des écuries, dans l’odeur de fer chaud alentour de la forge, jusque sur le perron du donjon et les escaliers du chemin de ronde, les hommes s’affairaient à tailler des boulets, affûter des épées, manier des épieux et assouplir des arcs. Près de la poterne du nord il retrouva Thomas et les trois sergents d’armes environnés de leurs compagnes qui les époussetaient comme des mères inquiètes et leur ordonnaient à voix criarde de laisser messire du Villar s’aventurer seul, s’il voulait les entraîner hors des derniers murets de défense. Ils sortirent en raillant ces peurs de bonnes femmes, longèrent les cabanes désertes et s’enfoncèrent en silence tout à coup circonspect sous les arbres dorés du bois. Ils n’y rencontrèrent qu’un corbeau qui s’envolant à leur approche à travers branches croassa aigrement et fit pleuvoir devant eux quelques brins de feuillage dans un rayon de soleil. Le versant se fit bientôt si périlleux qu’il leur fallut cheminer accroupis par des failles de rochers emplies de feuilles mortes. Ils parvinrent bientôt aux garrigues de buis et de broussailles basses qui descendaient en pente adoucie sous le ciel découvert vers l’à-pic le plus profond du mont. Ils suivirent son bord jusqu’au sentier taillé en échelle terreuse, dévalèrent prudemment, et tout à coup alertés se jetèrent sous le couvert des buissons. Des voix venaient par la montée.
    Deux hommes essoufflés et suants à quelques pas d’eux émergèrent des rochers. Ils ne portaient point d’armes, sauf un bâton ramassé en chemin et un couteau de berger à la ceinture de leurs chausses paysannes. L’un, désignant au loin le rempart rectiligne et les tours élancées hors des rugosités chaotiques de la cime, estima qu’il n’avait jamais vu un château si proche du ciel et ajouta qu’assurément de ces sommets on pouvait voir tous les chemins du monde. L’autre fit halte, examina l’alentour avec une grande méfiance, dit à voix hésitante qu’il n’était guère prudent de se hasarder si près des rondins de défense, rappela son compère qui poursuivait sans lui son escalade lente. Jourdain, les trois sergents et Thomas l’Écuyer se dressèrent soudain ensemble dans son dos. Il se retourna si précipitamment qu’il en tomba à la renverse et là, couché la bouche ouverte, talonnant les cailloux sans trouver prise, il regarda ces gens qui lui faisaient de l’ombre avec un tel effroi qu’il pissa dans ses braies. Son compagnon s’enfuit au travers de la lande. Thomas le poursuivit, agile et bondissant par-dessus les halliers, lui sauta sur le dos du haut d’un tas de pierres et, enserrant sa gorge au creux du coude, se laissa emporter en course titubante jusqu’à ce que le pendard trahi par ses genoux s’étale de son long dans un roncier grinçant.
    À grandes bourrades et coups de pied, sans souci des bruyantes avalanches que leurs trébuchements faisaient cascader dans l’étroit raidillon, ces hommes furent bousculés jusqu’au premier muret. Tous, le souffle rauque, se laissèrent choir pêle-mêle sur la terre battue de l’abri. Les veilleurs accoururent des meurtrières et voulurent empoigner les prisonniers pour les mener sans autrement tarder à monseigneur de Mirepoix. Jourdain leur ordonna de retourner à leurs postes. Ils s’éloignèrent à contrecœur, restèrent à brève distance puis revinrent en cercle autour des affalés pour écouter les réponses que les deux soudards faisaient avec un bon vouloir extrême aux questions pressantes qui leur étaient posées. Chacun apprit ainsi que ces égarés étaient habitants de Béziers, que beaucoup de leur ville étaient au campement et qu’ils avaient été menés à cette croisade par des moines et des prêtres venus à eux sur les places publiques avec tant de promesses de paradis, de menaces d’enfer et de sergents

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