L'hérétique
pareillement
insupportables.
— Le Graal ? insista John Faircloth.
Il courait quantité de folles rumeurs sur les motifs qui
avaient poussé le comte de Northampton à envoyer Thomas et ses hommes à
Castillon d’Arbizon. Mais l’allusion fugace de messire Guillaume venait d’être
une première confirmation.
— C’est une folie que Robbie s’est mise dans le
crâne ! tempêta le Normand avec force. N’y prends pas garde !
— Nous devrions rester avec toi, Thomas, reprit Jake.
Nous tous. Recommençons du début.
Messire Guillaume connaissait suffisamment d’anglais pour
avoir compris ce que Jake venait de dire et il manifesta son désaccord.
— Si nous restons avec lui, alors il nous faudra combattre
Robbie. C’est précisément ce que veut notre ennemi. Il veut nous diviser.
Thomas traduisit à Jake.
— Il a raison, ajouta tristement le fils du père Ralph.
— D’accord, mais que faisons-nous maintenant ?
s’enquit Jake.
— Thomas rentre chez lui, expliqua résolument
Guillaume. Nous, nous restons suffisamment longtemps ici pour devenir riches,
et ensuite, nous rentrerons, nous aussi.
Il tendit à Thomas les rênes des deux chevaux.
— J’aimerais vraiment rester avec vous, ajouta le
Normand.
— Alors nous mourrions tous.
— Ou nous serions tous damnés, compléta messire
Guillaume pensivement, en jetant à terre un gros sac de cuir. Suis mon conseil
et rentre chez toi, Thomas. Il y a assez d’argent dans la bourse pour payer ton
passage et même probablement assez pour convaincre l’évêque de lever sa
malédiction. L’Église ferait n’importe quoi pour de l’argent. Je te
connais : tu sauras parfaitement te débrouiller. D’ici un an ou deux,
viens me retrouver en Normandie.
— Et Robbie ? demanda Thomas. Que va-t-il faire,
selon toi ?
Messire Guillaume haussa les épaules.
— Il finira par rentrer chez lui, lui aussi. Il ne
trouvera pas ce qu’il cherche, Thomas, et tu le sais.
— Non, je ne le sais pas.
— Alors tu es aussi fou que lui.
D’Evecque enleva son gant et tendit sa main.
— Tu ne m’en veux pas de rester ?
— Tu dois rester. Enrichis-toi, mon ami. C’est
toi qui commandes maintenant, non ?
— Naturellement.
— Alors Robbie devra te céder le tiers de la rançon de
Joscelyn.
— J’en garderai une part pour toi, promit Guillaume.
Il étreignit la main de Thomas, puis il remonta à cheval et
s’éloigna avec ses hommes. En cadeau d’adieu, Jake et Sam laissèrent au couple
deux autres sacs de flèches. En quelques secondes, les cavaliers disparurent et
le bruit des sabots s’estompa.
Contrairement au conseil de messire Guillaume, Thomas et
Geneviève prirent la direction de l’est. La pluie n’avait pas cessé, mais
n’était plus qu’une douce bruine. Malgré tout, leurs capes furent bientôt
trempées.
À mesure qu’ils progressaient vers le levant, l’archer
sentait sa colère bouillonner. Il était furieux contre lui-même d’avoir échoué
dans sa mission, même s’il savait que la seule raison de cet échec avait été
son refus de lier Geneviève sur un tas de bois et d’y mettre le feu. Il
n’aurait jamais pu faire une telle chose. Il était furieux aussi contre Robbie,
qui s’était retourné contre lui, tout en comprenant ses raisons – et en
considérant même qu’il s’agissait de bonnes raisons. L’Écossais n’y pouvait
rien s’il était attiré par Geneviève et ce n’était pas une mauvaise chose qu’un
homme se préoccupe de son âme.
Mais, par-dessus tout, Thomas était furieux contre la vie
elle-même, et cette rage sourde l’aidait à oublier leur inconfort du moment
alors que la pluie redoublait. Tout en chevauchant vers l’est, ils glissaient
insensiblement vers le sud. Pour ne pas prendre de risques, ils ne quittaient
quasiment jamais les bois. Souvent, ils étaient obligés de se baisser pour
passer sous les branches basses. Lorsqu’ils étaient néanmoins contraints de
s’aventurer en terrain découvert, ils restaient sur les hauteurs et guettaient
d’éventuels cavaliers envoyés à leur poursuite. Pas une fois ils n’en
aperçurent. Si vraiment, comme l’avait dit Guillaume d’Evecque, les hommes de
Robbie s’étaient rendus ce jour-là à l’est de Castillon, ils avaient dû rester
au fond de la vallée. Thomas et Geneviève étaient donc seuls.
Toujours dans un esprit de sécurité, ils évitaient fermes et
villages. Ce n’était guère
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