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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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vous
devriez penser à nous rejoindre. Mais pour l’instant, allez vous occuper de
votre femme. Je n’ai pas menti. Elle est blessée.
    Il avait raison. Thomas ramena rapidement les chevaux vers
les rochers et, du bas du promontoire, il héla Geneviève. Comme elle ne
répondait pas, il grimpa jusqu’à la faille. La jeune femme était là, gisant au
milieu des carreaux d’arbalète, l’un de ces terribles dards noirs dans l’épaule
gauche. Il avait transpercé la cotte de mailles argentée et brisé une côte
juste au-dessus de son sein, tout près de son aisselle. Elle haletait, le
visage plus pâle que jamais. Quand il voulut la soulever, elle poussa un
hurlement déchirant.
    — Je meurs… suffoqua-t-elle.
    Mais elle n’avait pas de sang dans la bouche et Thomas en
avait vu beaucoup survivre à de telles blessures… Il en avait vu mourir, aussi.
    Elle souffrit le martyre en descendant péniblement les
rochers dans les bras de son compagnon. Une fois en bas, elle trouva un peu de
force en elle pour se mettre en selle avec l’aide de Thomas. Le sang coulait
sur sa cotte de mailles, dégoulinait entre les anneaux. Les yeux ternes, elle
s’effondra sur le pommeau de sa selle. Lentement, les coredors, désormais
inoffensifs, s’étaient rapprochés. Philin leur avait ordonné de baisser leurs
armes. Ils fixaient la jeune femme avec des yeux émerveillés et se signaient en
découvrant de près le grand arc de Thomas. C’étaient tous des hommes maigres,
victimes des pauvres moissons de la région et de la difficulté à trouver de la nourriture
quand on est un proscrit. Maintenant qu’ils n’étaient plus menaçants, ils
semblaient plutôt pitoyables. Philin leur parla dans leur dialecte local. Puis
ils repartirent vers les bois tandis que le grand escogriffe commençait à
redescendre la colline avec son fils en direction d’Astarac. L’enfant blessé
chevauchait l’une des montures décharnées sur lesquelles les coredors avaient poursuivi le couple.
    Tenant les rênes du cheval de Geneviève, Thomas prit la même
direction. Le sang avait coagulé sur la hanche de la jument. Bien qu’elle
avançât avec raideur, elle ne semblait pas gravement blessée et Thomas avait
laissé le carreau dans son postérieur. Il s’en occuperait plus tard.
    — Es-tu leur chef ? demanda-t-il à Philin.
    — Seulement celui des hommes que vous voyez, répondit
le hors-la-loi. Mais je ne le suis peut-être même plus.
    — Ah ?
    — Les coredors aiment la réussite, et ils
détestent avoir à enterrer leurs morts. Il ne fait aucun doute qu’il y en a qui
pensent déjà qu’ils auraient pu faire mieux que moi…
    — Et que va-t-il advenir de ces blessés ? s’enquit
Thomas en jetant un regard vers le haut de la colline. Pourquoi ne se
rendent-ils pas à l’abbaye, eux aussi ?
    — L’un d’eux ne le veut pas. Il préféré retourner près
de sa femme. Quant aux autres… ils vont probablement mourir.
    Philin fixa l’arc de l’Anglais.
    — Et puis il y en a qui, de toute façon, ne voudront
jamais descendre à l’abbaye. Ils pensent qu’ils y seraient trahis et capturés.
Mais Planchard ne me trahira pas.
    Geneviève oscillait sur sa selle. Elle ne prononçait pas un
mot. Thomas devait chevaucher tout près d’elle pour l’empêcher de tomber. Ses
yeux étaient toujours aussi ternes, sa peau aussi pâle et sa respiration
presque indétectable, mais elle s’agrippait à son pommeau et Thomas savait qu’il
y avait encore de la vie en elle.
    — Les moines vont peut-être refuser de s’occuper
d’elle, observa-t-il à haute voix.
    — Planchard accepte tout le monde, indiqua le coredor, même les hérétiques.
    — Planchard ? C’est l’abbé, ici ?
    — Oui et c’est aussi un homme bon. J’ai été l’un de ses
moines, jadis.
    — Toi ?
    Thomas n’avait pu dissimuler sa surprise.
    — J’étais novice, mais un jour j’ai rencontré une
fille. Une fille d’Astarac. Nous plantions une nouvelle vigne. Elle apportait
les branches de saule pour relier les treilles et…
    Philin haussa les épaules comme si le reste de l’histoire
était trop familière pour avoir besoin d’être répétée.
    — J’étais jeune, se contenta-t-il d’ajouter. Et elle
aussi.
    — La mère de Galdric ? devina Thomas.
    L’autre acquiesça de la tête.
    — Elle est morte, maintenant. L’abbé s’est montré assez
gentil… et compréhensif. Il m’a dit que je n’avais aucune vocation et

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