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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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gros morceau de pain moisi
qu’il ramollit dans l’eau. Il l’apposa sur la blessure et appuya fort. Ensuite,
il confia à Thomas une bande de grosse toile et lui indiqua en mimant qu’il
devait l’enrouler autour de la poitrine de la blessée comme un bandage. Pour
procéder, le jeune homme dut la faire asseoir, ce qui arracha à cette dernière
de nouveaux cris de douleur. Frère Clément profita de sa position assise pour
couper le reste de la tunique de lin ensanglantée. Puis Thomas fit ce que le
moine lui avait demandé. Lorsque le cataplasme sanguinolent fut étroitement
serré autour de son torse, elle fut enfin autorisée à se rallonger. Frère
Clément sourit comme pour dire que tout avait été correctement accompli. Alors
il joignit ses paumes et les rapprocha de sa propre joue pour indiquer à
Geneviève qu’elle devait dormir.
    — Merci, lui dit Thomas.
    Le cistercien souriant ouvrit grand la bouche et son
assistant improvisé put constater qu’il n’avait pas de langue. Un rat téméraire
bruissa dans le chaume de la toiture. Le petit moine s’empara d’un trident à
anguilles. Les coups qu’il donna au hasard dans la paille ne parvinrent qu’à
faire de grands trous supplémentaires dans le toit.
    Geneviève dormait déjà.
    Doucement, frère Clément sortit pour aller s’occuper de ses
lépreux.
    Quelque temps plus tard, il revint avec un brasero et un pot
d’argile dans lequel il avait déposé quelques braises. Il alluma une gerbe
d’amadou sur le brasier, alimenta le feu en petit bois et, quand il fuma et
rougeoya, il y jeta le carreau qui avait blessé Geneviève. Les pennes de cuir
s’embrasèrent en dégageant une forte odeur. Le religieux agita joyeusement la
tête. Thomas comprit que le petit moine achevait de soigner la blessure de son
amie en punissant la chose qui l’avait causée. Puis, quand le dard coupable eut
été châtié par le feu, le frère se rapprocha sur la pointe des pieds de la
jeune fille endormie. Il l’observa et sourit gaiement. Sous la table, il
récupéra deux couvertures sales et Thomas les étala sur elle.
    L’archer décida de la laisser dormir. Il devait donner à
boire aux chevaux et les mener brouter, avant de les installer pour la nuit
dans le pressoir du monastère. Il espérait aussi voir l’abbé Planchard. Mais
les moines étaient à la prière et ils se trouvaient encore dans l’église abbatiale
quand Thomas revint de ses occupations.
    Imitant frère Clément, il était également allé extraire le
carreau de l’arrière-train de la jument. L’animal avait henni sauvagement et
rué tout aussi furieusement alors qu’il procédait. Le jeune homme se demandait
encore comment il était parvenu à éviter les violentes ruades. Quand la bête se
fut enfin apaisée, il lava la blessure à l’eau, avant de lui flatter longuement
l’encolure. Dans la foulée, il avait ramené selles, brides, flèches, arcs et
sacs dans la hutte où Geneviève s’était maintenant réveillée. À demi assise et
calée contre un sac, elle se faisait nourrir par le vieux cistercien. Émettant
ses habituels gloussements, frère Clément lui donnait à la cuillère une soupe
de champignons et d’oseille. Quand il vit Thomas entrer, il lui adressa un
joyeux sourire. De la cour montèrent soudain les accents d’un chant. C’étaient
les lépreux. Le moine pencha la tête et fredonna la mélodie.
    Il y avait assez de soupe et de pain pour Thomas. Après
s’être sustenté et avoir attendu que le moine rejoigne sa propre hutte pour la
nuit, il s’allongea près de Geneviève.
    — Ça fait encore mal, dit-elle, mais moins qu’avant.
    — C’est bien.
    — Je n’ai pas souffert quand la flèche m’a touchée.
C’était simplement comme si j’avais reçu un coup de poing…
    — Tu vas aller mieux, la rassura-t-il avec conviction.
    — Tu sais ce qu’ils ont chanté ?
    — Non.
    — La chanson d’Herric et d’Alloise. Ils étaient amants.
Il y a très longtemps.
    Elle leva la main, laissa son doigt courir sur le menton broussailleux
de Thomas.
    — Merci, souffla-t-elle.
    Peu après, elle retomba dans le sommeil. De petits rayons de
lune traversaient le chaume percé. Dans la pénombre, Thomas voyait des perles
de sueur sur le front de son amie. Au moins respirait-elle plus paisiblement.
Au bout d’un certain temps, il s’endormit à son tour.
    Son sommeil fut encore une fois agité. Pendant la nuit, il
rêva de sabots de chevaux et

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