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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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regarda brièvement
les corps étendus sur l’herbe pâle. Quatre cadavres gisaient là, tous tués par
les longues flèches. Deux autres n’étaient que blessés et gémissaient.
    — Vous êtes anglais ? demanda le brigand.
    — Qu’est-ce que c’est, selon toi ? répondit
sarcastiquement Thomas en levant son grand arc de guerre.
    Seuls les Anglais combattaient avec ce type d’arme.
    — J’ai entendu parler de ces arcs, admit l’autre.
    Il s’exprimait dans un français teinté d’un très fort
accent. Parfois il hésitait, comme s’il cherchait un mot.
    — J’en ai entendu parler, mais c’est la première fois
que j’en vois.
    — Eh bien maintenant tu en as vu un, gronda brutalement
Thomas.
    — Je pense que votre femme est blessée, signala Philin
en montrant du doigt l’endroit où Geneviève devait se cacher.
    — Tu me prends pour un idiot ?
    L’autre voulait qu’il se tourne, devina l’archer, pour que
ses camarades puissent de nouveau avancer.
    — Non. Je ne mens pas. Tout ce que je veux, c’est que
mon garçon vive.
    — Et qu’offres-tu pour cela ?
    — Votre vie. Si tu gardes mon fils, nous amènerons
d’autres hommes ici, beaucoup d’hommes. Nous vous encerclerons et attendrons.
Vous mourrez tous les deux, votre femme et vous. Si mon fils meurt, vous
agoniserez dans de tels tourments, Anglais, que tous ceux de l’enfer vous
sembleront un soulagement après. Mais si vous laissez la vie sauve à Galdric,
vous vivrez tous les deux. Vous et l’hérétique.
    — Tu sais qui elle est ? s’étonna Thomas.
    — Nous savons tout ce qui se passe entre Bérat et les
montagnes.
    Très rapidement, sans quitter des yeux le coredor, Thomas
tenta de se retourner vers l’amas rocheux pour faire signe à Geneviève de
descendre, mais celle-ci demeurait invisible. Alors il s’écarta de l’enfant,
comme pour montrer à son père qu’il acceptait de le lui restituer.
    — Tu veux que je sorte la flèche ? demanda-t-il à
Philin.
    — Les moines de Saint-Sever s’en chargeront.
    — Tu y es bienvenu ?
    — L’abbé Planchard accueille toujours un blessé.
    — Même un coredor ?
    Un rictus de mépris obscurcit les traits de l’homme.
    — Nous ne sommes que de pauvres gens sans domicile.
Chassés de chez eux. Accusés de crimes qu’ils n’ont pas commis. Enfin… de
certains qu’ils n’ont pas commis, précisa-t-il immédiatement avec un sourire
qui éclaira pareillement les traits de son adversaire anglais. Qu’aurions-nous
dû faire, selon vous ? Aller aux galères ? Nous faire pendre ?
    Thomas s’agenouilla près du garçon. Il posa son arc, sortit
son couteau. Le gamin le fixa dans le blanc des yeux. Paniqué, Philin poussa un
hurlement… qui s’éteignit presque aussitôt quand il comprit que l’étranger ne
voulait visiblement aucun mal à son fils. L’archer coupa la pointe de la flèche
pour la séparer du fut. Il rangea la précieuse tête métallique dans son
havresac. Puis il se releva.
    — Jure sur la vie de ton fils de tenir ta langue,
ordonna-t-il au coredor.
    —  Je le jure.
    De l’index, Thomas désigna le haut de l’escarpement rocheux
où s’abritait Geneviève.
    — C’est une draga. Romps ton serment et elle
fera hurler ton âme.
    — Je ne vous causerai aucun tort, répondit l’autre
gravement. Et eux, ajouta-t-il en désignant ses camarades, ne vous en feront
pas non plus.
    Thomas acquiesça de la tête tout en sachant qu’il n’avait
guère le choix. Il devait soit faire confiance à Philin, soit se résigner à
être assiégé dans sa cachette sans eau. Aussi s’écarta-t-il de l’enfant.
    — Il est à toi.
    — Merci ! s’exclama le coredor avec
solennité. Mais dites-moi…
    Thomas avait déjà commencé à se tourner pour ramener les
chevaux vers les rochers.
    — Dites-moi, Anglais, pourquoi êtes-vous ici, tout
seul ?
    — Je croyais que tu savais tout ce qui se passait entre
Bérat et les montagnes…
    — Je sais en posant des questions, rétorqua l’homme
tout en soulevant son fils.
    — Je suis moi aussi un homme sans domicile, un fugitif…
Accusé d’un crime que je n’ai pas commis.
    — Quel crime ?
    — Donner refuge à une hérétique.
    Philin haussa les épaules, comme s’il voulait signifier que
dans son esprit ce crime était classé très bas dans la hiérarchie des méfaits
qui pouvaient transformer un homme en hors-la-loi.
    — Si vous êtes vraiment un fugitif, dit-il,

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