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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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péristyle.
    — Je protégeais Geneviève, murmura-t-il pour justifier
son excommunication.
    — La bégharde ?
    — Elle n’est pas bégharde.
    — Le contraire m’aurait étonné, car je ne crois pas
qu’il y ait beaucoup de béghards par ici. Ces hérétiques se concentrent dans le
Nord. Comment les appelle-t-on, déjà ? Les Frères du Libre Esprit. Oui,
c’est ça. Et que croient-ils ? Que tout vient de Dieu, donc que tout est
bon ! C’est une idée séduisante, n’est-ce pas ? Sauf que quand ils
disent tout, ils l’entendent vraiment au sens littéral. Tout !
Autrement dit tous les péchés, tous les méfaits, tous les
vols…
    — Geneviève n’est pas une bégharde, répéta Thomas d’un
ton ferme qui ne reflétait toutefois pas la moindre conviction.
    — Assurément. En revanche, je suis certain qu’elle est
hérétique, mais qui d’entre nous ne l’est pas ? dit Planchard de sa voix
douce avant de soudain changer de ton : Le problème, Thomas, c’est qu’elle
est aussi une meurtrière.
    — Qui d’entre nous ne l’est pas ? demanda
l’Anglais en écho.
    L’abbé esquissa une grimace.
    — Elle a tué frère Roubert.
    — L’homme qui l’avait torturée.
    Il releva sa manche et montra au moine les affreuses marques
de brûlures sur son bras.
    — Moi aussi j’ai tué mon bourreau, et lui aussi était
dominicain.
    Le supérieur de l’abbaye leva les yeux vers un ciel rempli
de nuages. Il ne paraissait pas perturbé par l’aveu de Thomas. À ses paroles
suivantes, on pouvait même supposer qu’il n’y avait pas accordé la moindre
attention.
    — Je me rappelais l’autre jour un psaume de David… « Dominus
reget me et nihil mihi deerit. »
    —  « In loco pascuae ibi conlocavit  »,
compléta Thomas, achevant la citation.
    — Je comprends qu’ils aient pu vous prendre pour un
frère ! s’exclama Planchard, amusé. Mais ce qu’implique ce psaume,
n’est-ce pas que nous sommes des agneaux et que Dieu est notre berger ?
Pourquoi, sinon, nous mettrait-Il dans une pâture et nous protégerait-Il avec
un bâton ? Néanmoins, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi le berger
devrait blâmer l’agneau qui tombe malade…
    — Dieu nous blâme ?
    — À dire vrai, je ne peux réellement parler pour Dieu,
mais simplement pour l’Église. Qu’a dit le Christ ? «  Ego sum
pastor bonus, bonus pastor animam suam dat pro ovibus. »
    Il fit à Thomas l’honneur de ne pas traduire ces mots, qui
signifiaient : « Je suis le bon berger et le bon berger donne sa vie
pour ses agneaux. »
    — Or l’Église, continua le cistercien, perpétue le
ministère du Christ… Elle est supposée le faire, en tout cas, même si certains
ecclésiastiques sont tristement enclins à abattre une partie de leur troupeau
malade plutôt que de le soigner.
    — Pas vous ?
    — Pas moi, répondit Planchard avec fermeté. Mais ne
laissez pas cette faiblesse de ma part vous persuader que je vous approuve. Je
ne vous approuve pas, Thomas, et je n’approuve pas votre compagne. Mais je ne
peux davantage approuver une Église qui utilise la souffrance et la torture
pour imposer l’amour de Dieu à un monde pécheur. Le mal engendre le mal. Il se
répand comme de la mauvaise herbe. Les bonnes actions, quant à elles, sont de
petites pousses fragiles qui ont besoin de soins et d’attention.
    Il réfléchit quelques secondes, puis sourit à Thomas.
    — Quoi qu’il en soit, mon devoir est assez clair,
n’est-ce pas ? Je devrais vous remettre à l’évêque de Bérat et laisser le
feu de son bûcher accomplir l’œuvre de Dieu.
    — Et vous êtes un homme de devoir… ponctua Thomas
amèrement.
    — Je suis un homme qui essaye, avec l’aide de Dieu,
d’être bon. Un homme qui essaye d’être ce que le Christ voulait que nous
soyons. Le devoir est parfois imposé par d’autres, et il nous appartient
toujours de l’examiner attentivement pour voir s’il nous aide à nous montrer
bons. Je ne vous approuve pas, ni l’un ni l’autre, mais je ne vois pas non plus
quel bien pourrait amener votre crémation. Donc je vais faire mon devoir… mon
devoir selon ma conscience. Or celle-ci ne me demande pas de vous livrer aux
flammes de l’évêque. En outre, ajouta-t-il en souriant, vous brûler serait un
terrible gâchis de l’admirable ouvrage de frère Clément. Il m’a dit qu’il avait
fait appeler une rebouteuse du village. Elle va essayer de remettre en place

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