L'hérétique
faire croire aux croisés qu’ils avaient détruit le Saint-Graal, la coupe
sacrée de Notre-Seigneur Christ, en même temps que l’hérésie. À mon sens, c’est
là l’œuvre du diable.
— Donc vous seriez venu ici, résuma Vexille
dédaigneusement, parce que vous ne croyiez pas à l’existence du Graal ?
— Non, je suis venu ici parce que j’étais certain que
si jamais les descendants des autres seigneurs noirs cherchaient le Graal, ils
passeraient eux aussi à Astarac. Je savais cela et je voulais voir ce qui
arriverait. J’avais raison, n’est-ce pas ? Pourtant, j’ai perdu cette
curiosité il y a bien longtemps. Dieu m’a accordé de vivre de nombreuses
années. Il a été suffisamment satisfait de mon travail pour faire de moi un
abbé. Et Il m’a inondé de Sa grâce. Quant au Graal… Je confesse avoir cherché
des souvenirs le concernant, quand je suis arrivé ici. Mon abbé de l’époque m’a
même réprimandé pour ça. Mais Dieu m’a remis les idées en place. Je pense
maintenant que mon grand-père avait raison et que l’histoire et le mystère du
Graal et des seigneurs noirs ont été inventés pour contrarier l’Église et pour
rendre les hommes fous.
— Il a existé !
— Alors je prie Dieu de me permettre de le trouver,
déclara Planchard, et quand je l’aurai découvert, je le jetterai dans le plus
profond des océans pour que plus personne ne puisse mourir en allant à sa
poursuite. Mais vous, Guy Vexille, que feriez-vous avec le Graal ?
— Je l’utiliserais, répondit l’autre brutalement.
— Pour faire quoi ?
— Pour nettoyer le monde du péché.
— Ce serait une grande œuvre, mais même le Christ n’y
est pas parvenu.
— Cessez-vous de sarcler entre les vignes simplement
parce que les mauvaises herbes repoussent toujours ?
— Non. Bien sûr que non.
— Alors l’œuvre du Christ doit être poursuivie, sans
relâche.
L’abbé fixa le soldat pendant un moment.
— Vous êtes l’instrument du Christ ? Ou celui du
cardinal Bessières ?
Vexille grimaça.
— Le cardinal est comme l’Église elle-même, Planchard.
Cruel, corrompu et malfaisant.
L’abbé ne le contredit pas.
— Et donc ?
— Donc, le monde a besoin d’une nouvelle Église. Une
Église propre, sans péchés, remplie d’honnêtes hommes vivant dans la crainte de
Dieu. Le Graal amènera tout cela.
Le vieux moine sourit.
— Je suis certain que le cardinal ne l’approuverait
pas.
— Le cardinal a envoyé son frère ici et, assurément,
celui-ci a ordre de me tuer dès que j’aurai cessé d’être utile.
— Et quelle est votre utilité, pour l’heure ?
— Trouver le Graal. Et pour ça, je dois d’abord trouver
mon cousin.
— Vous pensez qu’il sait où il se trouve ?
— Je pense que son père l’avait en sa possession et que
son fils sait où il est.
— Je peux vous dire qu’il pense la même chose de vous.
Et moi, je crois que vous êtes comme deux aveugles qui tous deux croient que
l’autre peut voir.
Cette comparaison fit rire Vexille.
— Thomas est un idiot. Il a amené des hommes en
Gascogne pour quoi ? Pour trouver le Graal ? Ou… pour me
trouver ? Mais il a échoué et maintenant il n’est plus qu’un fugitif. Une
bonne partie de ses hommes a juré allégeance au nouveau comte de Bérat, et le
reste est coincé dans Castillon d’Arbizon. Combien de temps vont-ils
tenir ? Deux mois ? Il a échoué, Planchard. Échoué ! Peut-être
est-il aveugle, mais moi je vois. Et je le trouverai. Et quand je l’aurai
trouvé, je lui arracherai tout ce qu’il sait. Mais vous, que savez-vous ?
— Je vous l’ai dit. Rien !
Vexille retourna vers la petite chambre du trésor et regarda
l’abbé.
— Je pourrais vous soumettre à la torture, vieillard.
— Vous pourriez, admit Planchard, sereinement. Et sans
aucun doute, je hurlerais pour que l’on m’évite ce tourment. Mais vous ne
découvririez pas davantage de vérité dans mes cris que ce que je vous ai révélé
de plein gré ici.
Il rangea son chapelet et se releva, de toute sa hauteur.
— Je vous implore au nom du Christ d’épargner cette
communauté. Elle ne sait rien du Graal. Elle ne peut rien vous révéler et rien
vous donner.
— Je n’épargnerai rien ! s’enflamma soudain
Vexille. Rien au service de Dieu. Rien.
Il tira son épée. Planchard le regarda sans expression et ne
trembla pas quand l’épée fut pointée sur lui.
— Jurez
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