L'hérétique
sur ça. Jurez que vous ne savez rien du
Graal !
— Je vous ai dit tout ce que je savais, se défendit le
religieux.
Au lieu de toucher l’épée, il leva le crucifix de bois qui
pendait autour de son cou et il l’embrassa.
— Je ne vais pas jurer sur votre épée, mais je jure sur
la croix de mon cher Seigneur que je ne sais rien du Graal, précisa-t-il.
— Mais votre famille nous a trahis…
— Vous a trahis ?
— Votre grand-père était l’un des sept. Et il a abjuré.
— Donc il vous a trahis ? En se montrant fidèle à
la vraie foi ?
Apparemment stupéfait de la remarque de l’Harlequin,
Planchard fronça les sourcils.
— Êtes-vous en train de me dire que vous êtes, vous,
fidèle à l’hérésie cathare, Guy Vexille ?
— Nous venons pour apporter la lumière dans ce monde et
le purger de l’infamie de l’Église. J’ai gardé la foi, Planchard.
— Alors vous êtes le seul dans ce cas, et votre foi est
hérétique.
— Ils ont crucifié le Christ pour hérésie, donc être qualifié
d’hérétique c’est faire un avec Lui.
Vexille enfonça sa lame dans la base de la gorge de
Planchard. Étonnamment, le vieil homme ne parut pas opposer la moindre
résistance. Il se contenta d’étreindre son crucifix, tandis que le sang
jaillissait de la plaie et rougissait sa robe blanche. Il mit du temps à
mourir, mais finalement s’effondra et Vexille retira son épée. L’Harlequin
essuya la lame sur la bordure de la robe de l’abbé. Puis il rengaina son arme
et ramassa la lanterne.
Une dernière fois, il balaya du regard l’ossuaire, ne vit
rien d’inquiétant et remonta l’escalier. En se refermant, la porte plongea la
crypte dans un noir absolu.
Dissimulés dans les ténèbres, Thomas et Geneviève
attendaient.
Ils patientèrent toute la nuit. Le jeune Anglais avait
l’impression de ne pas avoir dormi du tout. Mais il avait dû s’assoupir, car il
se réveilla en sursaut quand Geneviève éternua. Sa blessure lui faisait mal,
mais elle n’en soufflait mot. Elle attendait simplement que le temps passe en
dormant à demi.
Ils n’avaient aucun moyen de savoir si le matin était arrivé
car il faisait un noir d’encre dans l’ossuaire. Depuis le départ de Vexille et
de Planchard, Thomas n’avait plus rien entendu de toute la nuit. Pas un bruit
de pas, pas un cri, pas une prière, pas un chant. Juste le silence du sépulcre.
Mais ils continuèrent d’attendre encore, jusqu’à ce que Thomas ne pût
réellement plus supporter cette immobilité. Il s’arracha de leur cachette,
rampa sur les os et sauta sur le sol. Après avoir ordonné à Geneviève de ne pas
bouger, il se fraya un chemin à tâtons au milieu des os éparpillés jusqu’à
l’escalier. Prudemment, il gravit les marches et s’arrêta au sommet pour tendre
l’oreille. Comme il n’entendit rien, il poussa la porte à la serrure brisée.
L’église était vide. C’était bien le matin, comprit-il, car
la lumière venait de l’est. En revanche, il n’aurait pu dire à quelle hauteur
se trouvait le soleil, car la clarté était diffuse. Il comprit alors que,
dehors, l’abbaye devait être enveloppée dans un brouillard matinal.
Il redescendit dans l’ossuaire. En traversant le sol
encombré, il heurta du pied un objet en bois. Il se baissa pour constater que
c’était la boîte vide du Graal. Un instant, il fut tenté de la remettre dans le
coffre, puis il décida de la garder. Elle tiendrait juste dans son havresac.
— Geneviève, appela-t-il doucement. Viens.
Elle fit passer par-dessus les os leurs sacs, l’arc et les
flèches, les cottes de mailles et leurs capes. Puis elle se hissa sur les
ossements. La douleur dans son épaule la fit grimacer. Thomas dut l’aider à
enfiler sa cotte de mailles et sa cape, et il lui fit mal quand il lui souleva
le bras. Ensuite, il enfila son propre équipement. Il corda son arc pour
pouvoir le porter sur le dos sans le tenir. Après avoir fixé son épée autour de
sa taille, il rangea la boîte du Graal dans son sac et suspendit également
celui-ci à sa ceinture. Enfin, les carquois de flèches en main, il s’apprêtait
à regagner l’escalier… quand il aperçut une forme blanche étendue au milieu de
la chambre au trésor. Elle était à peine visible dans le chétif filet de
lumière descendant de la porte ouverte. Thomas posa sa main sur le bras de
Geneviève pour lui demander de rester immobile. Il se dirigea vers la
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