L'hérétique
petite
crypte nue. Les rats filèrent quand il pénétra dans la cellule. Et là, il
s’arrêta interdit. Planchard était mort.
— Qu’y a-t-il ? demanda Geneviève.
— L’infâme l’a tué, expliqua Thomas, abasourdi.
— Qui ?
— L’abbé !
Sa voix n’était qu’un murmure. Et bien qu’excommunié, il se
signa.
— Il l’a tué ! s’affligea le jeune homme.
Il avait entendu la fin de la conversation entre Vexille et
Planchard, et le soudain silence de l’abbé l’avait étonné. En y repensant, il
avait été tout autant troublé de n’entendre qu’une paire de pieds remonter les
marches. Mais il n’aurait jamais imaginé cela. Jamais.
— C’était un homme bon.
— Et s’il est mort, ajouta Geneviève, on va nous
imputer son assassinat. Alors viens ! Viens !
Thomas détestait l’idée d’abandonner le cadavre dans la
cave. Mais il savait qu’il n’avait pas le choix. Et Geneviève avait raison, ils
allaient être accusés de ce meurtre. Planchard était mort parce que son
grand-père avait abjuré l’hérésie, mais personne ne le croirait, a fortiori
quand il y avait sur les lieux deux hérétiques à qui l’on pouvait aisément
attribuer ce forfait.
Il entraîna son amie vers le haut des marches. L’église
était toujours aussi vide, mais maintenant l’archer croyait discerner des voix
au-delà de la porte occidentale ouverte. Il y avait effectivement du brouillard
dehors, et quelques langues de brume parvenaient même à s’immiscer dans la nef
et à se répandre subrepticement sur le dallage. Un instant, il envisagea de
regagner l’ossuaire pour continuer de s’y cacher. Mais il se demanda si son
cousin n’allait pas effectuer une fouille plus poussée de tout le monastère
dans les heures à venir, et cette perspective l’incita à poursuivre sa route.
— Par ici !
Il prit la main de Geneviève et la conduisit vers l’aile sud
de l’église, où une porte débouchait sur le cloître intérieur. C’était la porte
que les moines empruntaient quand ils venaient pour les prières, une dévotion
qui leur avait été refusée ce matin-là.
Thomas poussa la porte. Elle grinça sur ses gonds. Puis il
glissa un regard furtif de l’autre côté. D’abord, il crut que le cloître, comme
l’église, était vide. Puis, à l’autre extrémité, il repéra un groupe d’hommes
aux capes noires. Ils se tenaient devant une autre porte. Le jeune archer
devina qu’ils écoutaient quelqu’un qui se trouvait à l’intérieur. Aucun de ces hommes
ne tourna la tête dans leur direction quand Thomas et Geneviève se faufilèrent
dans l’ombre des arcades. Le couple choisit une porte au hasard. Elle donnait
sur un corridor. Au fond, ils débouchèrent dans la cuisine du monastère, où
deux moines s’affairaient autour d’un grand chaudron posé sur le feu.
Apercevant Geneviève, l’un d’eux manifesta son envie de protester contre la
présence d’une femme, mais Thomas lui intima le silence d’un discret sifflement
entre ses dents.
— Où sont les autres moines ? demanda Thomas.
— Dans leurs cellules, répondit le frère cuisinier,
effrayé.
Les deux religieux immobiles regardèrent les fugitifs
traverser la cuisine en courant, contourner la table avec ses fendoirs, ses
cuillères et ses bols, puis passer sous les crochets auxquels pendaient deux
carcasses de chèvre avant de disparaître par la porte opposée qui donnait sur
l’oliveraie.
C’était là que Thomas avait laissé leurs chevaux, mais
ceux-ci avaient disparu.
La porte du lazaret était ouverte. Le fugitif ne lui accorda
qu’un bref regard avant de se tourner vers l’ouest. Geneviève tira sur sa cape
pour lui désigner une tache sombre dans le brouillard. Le jeune homme discerna
un cavalier en noir qui semblait attendre au-delà des arbres. Cet homme
faisait-il partie d’un cordon de surveillance ? Vexille avait-il placé des
hommes tout autour du monastère ? Cette hypothèse semblait probable, mais,
dans l’immédiat, il y avait encore plus de risques que ce cavalier solitaire
les repère ou que les deux moines tétanisés donnent l’alerte. Geneviève tira
une nouvelle fois sur sa cape et le précéda dans l’oliveraie jusqu’au lazaret.
Ce dernier était vide. Tous les hommes avaient peur de la
lèpre, et Thomas supposa que Vexille avait fait évacuer tous ses occupants pour
que ses sbires puissent fouiller les masures.
— On ne peut pas se cacher ici,
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