L'hérétique
l’authentique Graal, qu’il pourrait
dévoiler au monde son faux calice.
— S’il n’est pas allé retrouver ses amis, ajouta-t-il,
il est de toute façon certainement parti vers l’ouest rejoindre d’autres
garnisons anglaises…
— Alors nous l’intercepterons, trancha Vexille.
S’il n’était absolument pas convaincu que son cousin ait pu
décider de retourner à Castillon d’Arbizon, il pensait effectivement en
revanche que Thomas avait dû reprendre la route de l’ouest. Maintenant,
Bessières venait de semer le doute en lui, faisant naître un nouveau sujet
d’inquiétude : et si son cousin avait trouvé ici ce qu’il cherchait ?
Peut-être que le Graal était perdu, peut-être que la piste
était froide… Mais la traque devait continuer.
Alors, ils partirent tous vers l’ouest.
Dans l’obscurité, la pluie se mit à tomber, telle une
vengeance du ciel. L’eau fouettait les arbres, inondait le sol, trempait les
fugitifs, assombrissant leurs humeurs déjà bien grises. En un seul bref
affrontement d’une violence inattendue, la bande des coredors avait été
disloquée, leur chef tué, leur camp d’hiver ruiné. Maintenant, dans la noirceur
infinie de la nuit d’automne, ils se sentaient perdus, sans protection et
effrayés.
Thomas et Geneviève se trouvaient parmi eux. La jeune femme
passa une bonne partie de la nuit pliée en deux, tentant de contenir la douleur
de son épaule gauche.
Quand les premières lueurs humides et timides de l’aube se
faufilèrent entre les arbres, elle parvint à se lever et suivit Thomas, qui
prit la direction de l’ouest. Au moins une vingtaine de coredors leur
emboîtèrent le pas. Philin, qui continuait de porter son fils sur ses épaules,
était de ceux-là.
— Où allez-vous ? demanda le coredor à
Thomas.
— À Castillon d’Arbizon, répondit l’Anglais. Et toi, où
vas-tu ?
Philin ne répondit pas. Il marcha quelque temps en silence,
puis il fronça les sourcils.
— Je suis désolé, dit-il.
— Désolé de quoi ?
— J’allais vous trancher les doigts !
— Tu n’avais pas beaucoup le choix, si ?
— J’aurais dû affronter Destral.
— Tu ne peux pas te battre avec des gars comme ça,
objecta Thomas. Ils aiment le combat, ils s’en nourrissent. Il t’aurait
massacré, et j’aurais quand même perdu mes doigts.
— Je reste désolé.
Le petit groupe, parvenu au sommet de la crête, entreprit de
la suivre. Maintenant, ils voyaient la pluie grise battre toute la vallée devant
eux, la prochaine crête qu’ils allaient gravir et probablement l’autre vallée
qui se trouvait derrière. Thomas fit une pause parce qu’il voulait observer les
parages avant de descendre la pente. Il ordonna donc aux autres d’en profiter
pour se reposer. Philin posa son fils sur le sol.
— Que t’a dit Galdric quand il t’a tendu le
couteau ? lui demanda l’archer.
Le grand barbu grimaça comme s’il ne voulait pas répondre,
puis il haussa les épaules.
— Il m’a dit de te trancher les doigts.
Thomas gifla violemment le garçon. Le coup résonna à
l’intérieur du crâne de l’enfant, qui poussa un cri de douleur. L’archer le
gifla une seconde fois, suffisamment fort pour se faire mal à la main.
— Dis-lui de chercher la bagarre avec des gens de sa
taille, gronda Thomas.
Le garçon se mit à pleurer. Son père ne dit rien et Thomas
reprit son observation de la vallée. Il ne voyait aucun cavalier. Personne sur
les routes, par un temps pareil. Pas d’homme d’armes dans les prés détrempés.
La voie semblait libre. Il indiqua à la petite troupe que la pause était
terminée. Philin remit son fils sur ses épaules.
— J’ai entendu dire, commença-t-il nerveusement, que
les hommes du comte de Bérat assiègent Castillon d’Arbizon…
— J’ai entendu la même chose, confirma Thomas.
— Vous pensez qu’il est sûr d’aller là-bas ?
— Probablement pas, mais il y a de la nourriture au
château. Et de la chaleur… et des amis.
— Vous pourriez peut-être poursuivre plus loin vers
l’ouest sans vous arrêter à Castillon ?
— Je suis venu ici pour une certaine chose, et je ne
l’ai pas encore trouvée.
Il était venu pour son cousin et Guy Vexille était proche
Thomas le savait. Il ne pouvait retourner à Astarac, car en terrain découvert
les cavaliers de l’Harlequin auraient l’avantage. À Castillon d’Arbizon, il avait
une petite chance. Une chance tout au
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