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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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d’eau de rivière, de sable et d’argile – ces deux
derniers éléments ayant été convoyés dans un troisième chariot. Cet amalgame
fut tassé autour du projectile pour sceller l’âme du canon.
    — C’est comme ça qu’on maîtrise l’explosion, Seigneur,
expliqua Gioberti. Sans la terre pour sceller le tube, une bonne partie de la
puissance de la poudre se perd en sortant autour du boulet. Sans cette terre,
continua-t-il, la bombarde ne fait que cracher le boulet sans aucune force.
    — Me laisserez-vous allumer l’amorce ? demanda
Joscelyn, aussi exalté qu’un petit garçon devant un nouveau jouet.
    — Je vous en prie, Monseigneur, mais pas encore. La
terre doit durcir parfaitement.
    Ce qui prit près de trois heures. Enfin, alors que le soleil
plongeait déjà derrière la ville et éclairait la façade occidentale du château,
Gioberti déclara que tout était prêt. Les barils de poudre furent entreposés
dans une maison voisine, où aucune gerbe de feu ne pourrait les atteindre. Les
artilleurs se mirent à l’abri au cas où la culasse et le tonnerre
exploseraient. De chaque côté de la rue, devant le canon, on avait disposé du
chaume, et celui-ci fut mouillé à grands seaux d’eau. La gueule du canon avait
été orientée vers le haut afin qu’elle pointe vers le sommet de la porte
d’entrée du château. Mais le boulet, avait expliqué l’Italien, allait
légèrement infléchir sa course aérienne, si bien qu’il viendrait frapper la
porte en son centre.
    Gioberti ordonna à l’un de ses hommes d’amener un brandon
allumé. Le servant alla le prendre dans l’âtre de la taverne de l’Ours et du
Boucher et il l’apporta à son maître. Alors, quand celui-ci fut certain que
tout ce qui devait l’être avait été accompli, il s’inclina devant Joscelyn et
lui tendit le morceau de bois enflammé. Un prêtre récita une prière de
bénédiction, puis se hâta de disparaître dans l’allée jouxtant la taverne.
    — Touchez à peine l’amorce avec le feu, Monseigneur,
indiqua le maître artilleur, et ensuite vous et moi pourrons gagner le rempart
de la porte et regarder…
    Joscelyn contempla la grosse tête noire en forme de flèche
saillant à peine du goulot et disparaissant dans la gueule évasée du canon.
Puis il examina l’amorce et approcha sa torche de la longueur de lin. À
l’intérieur, la poudre se mit à siffler.
    — En arrière, Seigneur, s’il vous sied ! lança
Gioberti prestement.
    Une infime volute de fumée montait de la manche de lin, qui
se contractait et noircissait. Le feu atteignit le bord de la gueule de la
bombarde et poursuivit à l’intérieur du goulot. Joscelyn voulait regarder la
flamme disparaître dans le col de la bombarde. Mais le signor Gioberti
se risqua à tirer urgemment la manche du comte. À regret, celui-ci suivit
l’Italien jusqu’au rempart au-dessus de la porte, d’où il fixa le château. En
haut du donjon, l’étendard du comte de Northampton s’enroulait dans la petite
brise.
    Plus pour très longtemps, pensa Joscelyn.
    Puis tout l’univers environnant trembla. Le bruit fut tel
que Joscelyn s’imagina être dans le cœur même du tonnerre. Le grondement asséna
un coup si palpable, soudain et puissant à ses tympans, qu’il sauta
involontairement. Devant lui, la rue entière, l’espace entre les murs et le
chaume trempé se remplirent de fumée. Des fragments de terre dispersés et de
vifs éclats de charbon de bois retombaient de tous côtés, telles de petites
comètes incandescentes. La porte de la ville elle-même trembla. Le bruit de
l’explosion se répercuta contre le château et revint en écho couvrir le
crissement de la lourde structure de Cracheuse d’Enfer reculant sur ses
glissières graissées. Des chiens hurlaient dans les maisons aux volets clos. Un
millier d’oiseaux effrayés s’étaient envolés vers le ciel.
    — Doux Jésus ! murmura Joscelyn, fasciné. Par le
Christ !
    Ses oreilles résonnaient encore du coup de tonnerre qui
continuait de rouler dans toute la vallée.
    La fumée gris-blanc dérivait dans la rue. Avec elle se
répandit dans l’air une odeur de décomposition si atroce, une puanteur si
infecte, que Joscelyn suffoqua presque. Puis, à travers les reliquats de fumée
nauséabonde, il vit qu’un pan de la porte du château pendait de guingois.
    — Recommencez ! ordonna-t-il.
    Sa propre voix lui parut étouffée car ses oreilles
retentissaient encore de mille

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