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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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la porte. Il espéra que c’était la
jeune servante, avec la nourriture.
    — Entre, bon sang ! gronda-t-il.
    Le père Médous.
    Qui, effrayé et nerveux, vint s’agenouiller devant Joscelyn.
    — La population se meurt, Seigneur.
    — Nom de Dieu, qu’attends-tu de moi ? demanda le
comte.
    — Que vous capturiez le château, intervint Vexille.
    Ignorant l’intervention du chevalier, Joscelyn scrutait le
religieux.
    — Tu dis que des gens meurent ?
    Le père Médous acquiesça de la tête. Des larmes
dégoulinaient le long de ses joues.
    — C’est la peste, Seigneur. Ils suent, vomissent,
vident leurs entrailles. Ils ont des bubons noirs sur le corps… et ils meurent.
    — Ils meurent, répéta Joscelyn, désespéré.
    — Galat Lorret est déjà mort. Son épouse est malade. Ma
propre bonne est atteinte.
    Les larmes redoublèrent sur le visage du prêtre.
    — C’est contagieux, Seigneur. La peste est dans l’air.
Elle se propage.
    Espérant que le comte allait pouvoir leur venir en aide, il
fixait son visage rond et blême.
    — La peste est dans l’air, répéta-t-il, et nous avons
besoin de docteurs, Monseigneur. Vous seul pouvez leur ordonner de venir de
Bérat.
    Joscelyn contourna le prêtre agenouillé. Il gagna la
fenêtre, se pencha dans la rue.
    Deux de ses hommes d’armes étaient assis devant la porte de
la taverne, leurs visages gonflés et trempés de sueur. Quand ils levèrent des
regards tristes et vides vers lui, il se détourna. Partout il entendait les
pleurs et les gémissements des mères qui regardaient leurs enfants transpirer et
mourir. Vestiges de l’incendie de la veille, de fines volutes flottaient dans
le matin moite. Tout paraissait couvert de suie. L’humidité glaciale
s’infiltrait jusqu’aux os.
    Joscelyn frissonna, puis il aperçut messire Henri Courtois
qui descendait de l’église Saint-Callic. Lui au moins était apparemment encore
valide. En proie à un véritable soulagement, le comte sortit de la maison et
courut vers le vieil homme.
    — Tu sais ce qui se passe ? l’interrogea-t-il en
le secouant par les épaules.
    — Il y a la peste, Monseigneur.
    — Elle est vraiment dans l’air ?
    Joscelyn reprenait à son compte la formule du père Médous.
    — Je n’en sais rien, indiqua le soldat, manifestement
épuisé, mais ce que je sais, c’est qu’une bonne vingtaine de nos hommes sont
malades et que trois sont déjà morts. Robbie Douglas est malade. Il vous a
réclamé, Monseigneur. Il vous implore de trouver un médecin.
    Joscelyn ignora la requête, mais renifla l’air frais du
petit jour. Il ne pouvait sentir que les ultimes relents de l’incendie, les remugles
de vomis, d’immondices et d’urine. C’étaient les odeurs de n’importe quelle
ville, celles du quotidien, mais d’une certaine manière elles paraissaient
beaucoup plus sinistres ce matin-là.
    — Que faisons-nous ? demanda-t-il, impuissant.
    — Les malades ont besoin d’aide, estima messire Henri.
Ils ont besoin de médecins.
    Et de fossoyeurs, pensa-t-il, sans oser l’exprimer à haute
voix.
    — C’est dans l’air, répéta encore Joscelyn, pensif.
    Il sentait la puanteur partout, maintenant. Dans l’air, sur
ses vêtements. Elle le harcelait, le menaçait, et la panique l’envahit. Il
pouvait se battre contre un homme, contre une armée même, mais pas contre cette
infection silencieuse et insidieuse.
    — Nous partons, décida-t-il. Tous les hommes qui n’ont
pas encore été atteints par le mal doivent partir immédiatement. Immédiatement,
tu m’entends !
    — Partir ?
    La décision paraissait troubler le vieux soldat.
    — Oui, nous partons ! répéta Joscelyn fermement.
On laisse les malades ici. Ordonne aux autres de se préparer et de seller les
chevaux. Immédiatement !
    — Robbie Douglas veut vous voir.
    Joscelyn était le seigneur de Robbie et donc il avait pour
devoir de lui assurer soin et protection. Cependant, le comte n’était pas
d’humeur à visiter des malades. Il ne l’était déjà pas en temps normal, et
encore moins a fortiori aujourd’hui. Après tout, les malades pouvaient bien
s’occuper d’eux-mêmes. De son côté, il allait sauver autant d’hommes de cette
horreur qu’il pourrait. Et lui en premier lieu.
     
    En moins d’une heure, ils furent prêts et quittèrent la
ville. Un flot de cavaliers franchit au galop la porte occidentale. Ils
fuyaient la contagion pour gagner la sécurité du grand château

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