L'hérétique
se
répandront sur cette terre. Il n’y aura plus de tristesse, plus de péché,
simplement l’harmonie de Dieu dans un monde de paix…
Thomas fit mine de réfléchir à sa proposition, puis il
fronça les sourcils.
— D’accord, je vais attaquer Joscelyn avec toi, mais
avant de partir vers le nord, je voudrais m’entretenir avec l’abbé Planchard.
— Avec l’abbé Planchard ?
Guy n’avait pu taire sa surprise.
— Pourquoi ?
— Parce que c’est un homme bon. J’ai confiance en ses
conseils.
— Bien, répondit Guy. Alors je vais l’envoyer quérir.
Il pourra être ici dès demain.
En cet instant précis, Thomas sut que toutes les paroles de
son cousin n’étaient que mensonges. Il ressentit une telle colère sourdre en
lui qu’il aurait pu attaquer Guy et le tuer à poings nus.
Mais il contint sa rage.
— Il pourra être ici demain ? se contenta-t-il de
répéter.
— S’il accepte de venir.
— Encore faudrait-il qu’il ait le choix ! cracha
Thomas d’une voix trahissant une fureur qu’il ne dissimulait plus. Et tu le
sais. Il est mort, cousin ! Il est mort et c’est toi qui l’as tué. J’étais
là, caché, dans l’ossuaire. J’ai tout entendu.
Une extrême stupéfaction se lut sur les traits de
l’Harlequin, puis la rage. Mais il n’y avait rien qu’il pût dire.
— Tu mens comme un gamin ! lui lança Thomas avec
mépris. Si tu peux mentir à propos de la mort d’un homme juste et bon, tu mens
sur tout le reste !
Il pivota sur lui-même et repartit vers le château.
— Thomas ! le rappela encore Guy.
L’archer se retourna une dernière fois.
— Tu veux le Graal, cousin ? Alors tu vas devoir
te battre pour l’avoir. Juste toi et moi. Toi et ton épée contre moi et mon
arme.
— Ton arme ? L’arc ?
— Le Graal !
Puis, ignorant les cris de son cousin, il fila vers le
donjon.
— Alors ? Qu’a-t-il offert ? demanda messire
Guillaume.
— Tous les royaumes de la terre, répondit son ami.
Messire Guillaume renifla suspicieusement.
— Je sens comme une sainte allusion dans cette réponse…
Thomas sourit.
— Le diable a attiré le Christ dans le désert et il lui
a offert tous les royaumes de la terre s’il acceptait d’abandonner sa mission.
— Il aurait dû accepter, répondit le Normand. Il nous
aurait épargné ainsi une bonne charretée de problèmes… Donc, nous ne pouvons
partir ?
— Sauf si nous nous battons pour nous frayer un
passage.
— Et l’argent de la rançon ? s’enquit messire
Guillaume, continuant d’espérer.
— J’ai oublié de lui poser la question.
— Mais à quoi sers-tu, bon sang ? s’exclama le
Normand en anglais, sans qu’on puisse savoir s’il plaisantait ou s’il était
affligé.
Puis il se détendit en revenant au français :
— Au moins, nous avons le Graal. C’est toujours quelque
chose !
— L’avons-nous vraiment ? demanda Geneviève.
Les deux hommes se tournèrent vers elle. Ils se trouvaient
dans la salle haute, dépouillée de tout meuble maintenant que les tables et les
chaises avaient été descendues pour renforcer la barricade de la cour. Il ne
restait que le grand coffre ferré qui contenait l’argent de la garnison. Après
une saison de raids, il était bien plein.
Assise dessus, la jeune femme tenait dans sa main droite le
magnifique Graal doré avec sa coupe verte. De la main gauche, elle soupesait la
boîte que Thomas avait rapportée du monastère Saint-Sever.
Geneviève posa le Graal d’or près d’elle sur le coffre. Elle
ôta la coupe de verre de son berceau filigrané et la plaça dans la boîte
carrée. Le couvercle ne pouvait se refermer car la coupelle verte était
beaucoup trop haute. Qu’elle qu’ait été son objet réel, cette boîte n’avait en
tout cas pas été conçue pour renfermer ce Graal-là.
— Avons-nous le Graal ? répéta-t-elle.
Thomas et Guillaume la regardèrent prouver que la coupe
n’était pas adaptée à la boîte.
— Bien sûr que c’est le Graal, maugréa le Normand.
Il y avait dans sa voix une pointe de dédain qui voulait
sous-entendre, même inconsciemment car il appréciait Geneviève, qu’une
excommuniée ne pouvait savoir ce qu’était la sainte coupe du Christ.
Thomas s’approcha de sa compagne et lui prit le calice.
Pensivement, il le tourna entre ses doigts.
— Si mon père possédait le Graal, réfléchit-il à haute
voix, comment a-t-il pu aboutir entre les mains
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