L'hérétique
en se tournant vers
l’intéressé, tue-le. Et ne bois pas le vin. Reste aux aguets.
Il attrapa son arc sur son épaule, passa deux flèches dans
la corde ceinturant sa robe de moine, puis fit un signe à Jake et à Robbie.
Revêtu d’un court haubert à mailles, l’Écossais avait tiré son épée.
— Pas un bruit ! leur dit Thomas en les entraînant
vers la cour.
Castillon d’Arbizon dormait en paix depuis trop longtemps.
Sa petite garnison faisait preuve d’une grande insouciance. Elle n’avait guère
d’autres missions que de prélever les taxes sur les marchandises qui arrivaient
en ville et de les transférer à Bérat, où résidait leur seigneur. Les hommes
d’armes avaient cédé à l’indolence. Mais Thomas de Hookton – celui-là même
qui venait de se faire passer pour un frère dominicain – se battait
quasiment sans interruption depuis des mois. Ses instincts et ses réflexes
étaient ceux d’un homme qui savait que la mort pouvait se trouver tapie dans
chaque recoin. Quant à Robbie Douglas, bien que de trois ans son cadet, il
était presque aussi aguerri que son ami. De son côté, Jake le bigleux avait été
tueur toute sa vie.
Les trois hommes commencèrent par les souterrains du
château, où six cachots se terraient dans une obscurité fétide. Une chandelle à
mèche de jonc tremblotante éclairait timidement la salle des geôliers. Là, ils
trouvèrent deux corps endormis : un homme monstrueusement gros et une
femme, guère moins corpulente. Thomas s’approcha et écorcha le cou de l’homme de
la pointe de son épée pour lui laisser éprouver la sensation picotante du sang
jaillissant. Puis ils jetèrent le couple dans un cachot qu’ils verrouillèrent.
D’une cellule voisine, une fille les appela, mais Thomas se contenta de siffler
doucement pour lui ordonner de se tenir tranquille. La prisonnière le maudit en
retour, puis se tut.
Un de moins. Plus que quatre.
Le trio remonta dans la cour. Trois serviteurs – dont
deux n’étaient que des gamins – dormaient dans les écuries. Robbie et Jake
les attrapèrent et les descendirent eux aussi dans les geôles. Puis ils se
hâtèrent de rejoindre Thomas dans la cour. Ensemble, ils gravirent la dizaine
de larges marches menant à la porte du donjon, puis l’escalier en colimaçon de
la haute tour. Le jeune Anglais estima que les serviteurs n’étaient sûrement
pas comptés dans les effectifs de la garnison et qu’il y en avait sans aucun
doute d’autres dans le château, des cuisiniers, des domestiques et des clercs.
Pour l’heure, le faux moine ne se préoccupait que des soldats. Il en trouva
deux dormant à poings fermés dans la salle de logis des gardes, tous les deux
avec des femmes sous leur couverture. L’archer prit une torche à un anneau de
l’escalier. Il l’agita au-dessus des dormeurs pour les réveiller. Comme un seul
homme, ils ouvrirent les yeux et se redressèrent, stupéfaits de voir un moine
penché sur eux avec un arc et une flèche encochée sur la corde. Une femme
inspira pour crier, mais l’arc se tourna vers elle, le fer directement pointé
sur son œil droit. La gueuse eut le bon sens de retenir son cri.
— Attachez-les ! ordonna Thomas.
— Ça irait plus vite de leur ouvrir le ventre, suggéra
Jake.
— Attachez-les, répéta le jeune homme, et
bâillonnez-les !
Cela ne prit qu’un instant. Robbie déchira un drap avec son
épée et Jake ligota les deux couples. L’une des femmes était nue. Le bigleux
eut un petit sourire égrillard en lui entravant les poignets et en l’obligeant
à tendre les bras au-dessus de sa tête pour les attacher à un crochet du mur.
— Joli… siffla-t-il.
— Plus tard, dit Thomas.
Planté dans l’encadrement de la porte, il écoutait les
bruits de la tour. Il pouvait y avoir encore deux soldats dans le château, mais
il n’entendait rien. Les quatre nouveaux prisonniers étaient tous à demi
suspendus aux grands crochets de métal qui, normalement, servaient à accrocher
les épées et les cottes de mailles.
Quand le quatuor bâillonné fut enfin silencieux et immobile,
Thomas poursuivit prudemment son ascension dans l’escalier en colimaçon, mais
une lourde porte lui barra bientôt le passage. Jake et Robbie l’avaient suivi.
Leurs bottes produisaient un léger bruit sur les marches de pierre usées.
D’un geste de la main, Thomas leur intima le silence, puis
il poussa sur la porte. Pendant un instant, il la crut fermée,
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