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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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ce point.
    Un sourire effleura les lèvres du moine noir. Il venait de
comprendre les raisons de ces recommandations.
    — En procédant ainsi la flambée sera claire, mais pas
ardente, n’est-ce pas ? Elle mourra donc lentement.
    — C’est la volonté de Dieu, souligna le père Médous.
    — Lentement et dans une intense agonie, ajouta le frère
en faisant mine de se délecter des moindres mots. C’est en vérité la volonté de
Dieu, en ce qui concerne les hérétiques.
    — Et j’ai fait dresser le bûcher tel qu’il l’a ordonné,
précisa le prêtre en baissant incidemment la voix.
    — Bien. La fille ne mérite pas d’autre traitement.
    Le frère visiteur essuya son écuelle avec un morceau de pain
noir.
    — J’assisterai à sa mort avec joie, puis je poursuivrai
ma route.
    Il fit le signe de croix avant de relever la tête vers son
hôte.
    — Je vous remercie pour cette nourriture.
    Le curé tendit la main vers le foyer où il avait empilé des
couvertures.
    — Vous êtes le bienvenu, si vous voulez dormir ici.
    — Merci. C’est ce que je vais faire. Mais d’abord il me
plairait de prier saint Sardos, bien que je n’aie jamais entendu parler de lui.
Pouvez-vous me dire qui il était ?
    — Un chevrier, répondit le Languedocien.
    En vérité, il n’était pas vraiment sûr que ce saint Sardos
ait réellement existé. Mais les gens du cru en étaient convaincus et ils
l’avaient toujours vénéré.
    — Un jour, il a vu l’agneau de Dieu sur la colline où
se dresse maintenant la ville. Celui-ci était menacé par un loup et Sardos l’a
sauvé. Pour le récompenser, Dieu a fait tomber sur lui une pluie d’or.
    — Comme Notre-Seigneur est juste et bon !
s’extasia le frère avant de se lever. Voulez-vous venir avec moi prier saint
Sardos ?
    Le père Médous réprima un bâillement.
    — J’aimerais, dit-il sans le moindre enthousiasme.
    — Je n’insisterai pas, répondit généreusement le
visiteur. Laisserez-vous votre porte ouverte ?
    — Elle l’est toujours, indiqua le curé qui ressentit un
immense soulagement en voyant son fâcheux invité franchir le seuil de sa porte
et s’éloigner dans la nuit.
    Souriante, la bonne du prêtre se montra à la porte de la
cuisine.
    — Il a une bonne tête, pour un frère prêcheur. Il dort
ici ce soir ?
    — Oui.
    — Alors je ferais mieux de dormir dans la cuisine,
hein ? dit la servante. Tu n’aimerais pas qu’un dominicain te trouve entre
mes cuisses à minuit. Il nous mettrait tous les deux sur le bûcher, avec la
bégharde…
    Elle éclata de rire et vint débarrasser la table.
    Dehors, en réalité, frère Thomas ne se rendit pas à
l’église, mais partit dans la direction exactement opposée. Descendant les
quelques mètres séparant la maison du prêtre du bas de la colline, il gagna la
taverne la plus proche, dont il poussa la porte. L’endroit était bondé. À
l’intérieur, le tumulte s’évanouit lentement quand les clients aperçurent le
visage sombre du frère. Dès que le silence fut total, l’ecclésiastique
frissonna comme si le spectacle de la débauche l’horrifiait. Alors il battit en
retraite, regagna la rue et claqua la porte derrière lui. Dans l’auberge, le
silence se maintint quelques secondes, puis les hommes se mirent à s’esclaffer.
    — Le moinillon devait se chercher une gueuse !
railla bruyamment quelqu’un.
    D’autres pensèrent qu’il s’était tout simplement trompé de
porte. Un instant plus tard, tous avaient oublié l’incident.
    Pendant ce temps, le frère remontait cette fois bel et bien
la colline vers l’église Saint-Sardos, distante de quelques pas à peine.
Seulement, au lieu de pénétrer dans le sanctuaire du berger, il se retrancha
dans les ombres profondes d’un pilier latéral de sa façade. Il attendit là,
invisible et silencieux, notant les moindres sons de Castillon d’Arbizon. Des
chants et des rires montaient de la taverne. Mais ce qui l’intéressait
vraiment, c’étaient les mouvements des guetteurs arpentant les murs de la
ville. Le chemin de ronde rejoignait le solide rempart du château, juste
derrière la petite église.
    Des pas venaient dans sa direction. Ils s’arrêtèrent à
quelques mètres de lui sur la muraille, se turent un instant, puis repartirent
en sens inverse. Le dominicain compta jusqu’à mille. L’homme du guet n’était
toujours pas revenu. Le prêtre compta de nouveau jusqu’à mille, cette fois en
latin, ce

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