L'hérétique
maître de Bérat, égaré.
Puis il parut trouver dans les tréfonds de son être une
réserve d’énergie inattendue.
— Oui, naturellement ! Un feu. Bien joué, Michel.
Allume une torche et apporte-la.
Le garçon retourna vers le brasier et avisa un gros brandon
d’orme dont une extrémité n’était pas encore embrasée. Il le sortit des flammes
avec précaution, l’approcha du mur en pierres de taille. Le comte repoussait
fébrilement les serfs. Dans le pan qu’ils venaient de dégager, il avait repéré
un petit orifice à hauteur d’yeux à peine assez grand pour laisser passer un
moineau. Tout excité, le vieil homme tenta de regarder dans le trou, mais
l’obscurité était impénétrable. Apparemment, la cavité donnait sur une grotte. Le
comte se tourna vers Michel, qui arrivait avec sa torche.
— Amène-la ici. Ici ! grogna-t-il, impatiemment.
Il lui arracha le brandon des mains, souffla dessus pour
l’attiser. Quand l’orme se mit à brûler ardemment, il l’approcha du trou. À son
grand plaisir, il constata que la branche se faufilait parfaitement dans
l’échancrure, confirmant ainsi qu’il y avait bien un espace vide derrière. Il
poussa la torche plus profondément à l’intérieur jusqu’à ce qu’elle tombe.
Alors il appliqua son œil droit contre le trou pour regarder.
Les flammes commençaient déjà à décroître dans l’air confiné
de la caverne. Mais elles dispensaient encore assez de lumière pour révéler ce
qu’il y avait de l’autre côté du mur. Le comte écarquilla les yeux en retenant
sa respiration.
— Michel, exulta-t-il. Michel, je vois…
Au même instant, les flammes s’éteignirent.
Le comte s’était évanoui.
Il glissa sur la rampe de terre, le visage blanc, la bouche
ouverte. Pendant un moment, Michel pensa que son maître était mort. Mais le
vieil homme finit par laisser échapper un soupir. Hélas, il ne reprenait pas
connaissance. Bouche bée, les serfs fixaient l’écuyer qui, lui-même, ne
quittait pas le comte des yeux. Le garçon rassembla ses esprits et ordonna aux
hommes de sortir leur seigneur inconscient du caveau. Ce ne fut pas chose
aisée, car il leur fallut hisser ce poids mort en haut de l’échelle. On
s’empressa d’amener une charrette à bras du village et on y installa le comte
inconscient pour l’emmener aussi vite que possible au monastère Saint-Sever. Le
couvent avait beau n’être qu’à quelques centaines de mètres au nord d’Astarac,
le trajet prit pratiquement une heure. Le vieillard grommela, une fois ou deux.
Il tremblait de tout son corps, mais au moins était-il toujours en vie quand
les moines le transportèrent à l’infirmerie. Ils l’installèrent dans une petite
pièce blanchie à la chaux. Un grand feu brûlait dans la cheminée.
Frère Ramón, le médecin espagnol du monastère, fit son
rapport à l’abbé.
— Le comte a de la fièvre et un excès de bile.
— Va-t-il mourir ? demanda Planchard.
— Seulement si Dieu le veut, indiqua le praticien.
C’était là la formule systématique qu’il utilisait pour
répondre à ce genre de questions.
— Nous allons lui appliquer des sangsues et essayer de
faire tomber la fièvre, précisa-t-il.
— Et n’oubliez pas de prier pour lui, souligna l’abbé.
Puis le supérieur de l’abbaye alla trouver Michel. Celui-ci
lui apprit que les hommes d’armes du comte étaient partis attaquer les Anglais
dans la vallée du Gers voisine.
— Tu vas attendre leur retour, ordonna le religieux à
l’écuyer, et tu leur diras que leur maître a eu une attaque. Rappelle au
seigneur Joscelyn qu’un message doit être envoyé à Bérat.
— Oui, mon père.
L’adolescent paraissait écrasé par le poids des
responsabilités nouvelles qui lui incombaient.
— Que faisait le comte quand il s’est évanoui ?
demanda Planchard.
Michel lui raconta alors toute l’affaire de l’étrange mur
sous la chapelle du château.
— Peut-être que je devrais y retourner, suggéra
nerveusement le garçon, pour voir ce qu’il y a derrière ?
— Tu vas me laisser ça à moi, mon garçon, le tança
sévèrement le vieux moine. Ton seul devoir est de t’occuper de ton maître et de
son neveu. Allez, maintenant, file retrouver le seigneur Joscelyn !
L’écuyer se mit en route au galop pour intercepter le neveu
du comte sur le chemin du retour. Quant à Planchard, il partit à la recherche
des serfs qui avaient amené le malade au
Weitere Kostenlose Bücher