L'hérétique
cavalier en approche. À cet instant, il
repéra l’éclat d’un reflet de soleil entre les arbres de l’autre côté de la
rivière. Instantanément, il sut que c’était celui d’une armure.
— On a de la compagnie ! s’exclama-t-il
joyeusement en sautant au bas de la charrette.
Il courut rejoindre les autres archers derrière la haie.
— Réveillez-vous ! leur lança-t-il. Les petits
agneaux approchent pour l’abattage…
Il prit sa place derrière la haie. Geneviève se positionna
près de lui, une flèche encochée sur son arc. Thomas doutait qu’elle puisse
atteindre qui que ce soit, mais il lui sourit.
— Reste bien cachée jusqu’à ce qu’ils atteignent la
borne, lui rappela-t-il.
Puis il se redressa un peu pour regarder par-dessus la haie.
Ils étaient là. Dès que l’ennemi fut en vue, Thomas comprit
qu’il n’avait pas affaire à son cousin. Le porte-bannière venait de jaillir des
arbres et, sur l’étendard, le jeune archer avait immédiatement reconnu non pas
l’éalé de Vexille mais le blason blanc au léopard orange de Bérat.
— Restez baissés ! ordonna-t-il à ses hommes
tandis que lui-même tentait de compter les adversaires.
Vingt ? Vingt-cinq ? Ils n’étaient pas nombreux.
Et seuls les douze premiers portaient des lances.
Tous les écus des hommes d’armes exhibaient le léopard
orange sur son champ blanc et confirmaient ce qu’annonçait la bannière, à
savoir qu’ils appartenaient au comte de Bérat. Il y avait toutefois un homme,
monté sur un énorme cheval noir caparaçonné, qui tenait un écu jaune orné d’un
poing de fer rouge, un blason inconnu du jeune archer. Ce chevalier était
également revêtu d’une armure complète et, sur le sommet de son heaume,
flottaient des plumes rouges et jaunes. Finalement, Thomas compta trente et un
cavaliers. Ce ne serait pas un combat, mais un massacre.
Soudainement – bizarrement aussi –, tout lui parut
irréel. Il s’était attendu à ressentir une forme d’excitation, voire quelque
appréhension, mais, au lieu de cela, il regardait les cavaliers approcher comme
si ça ne le concernait pas.
Leur équipement est lui aussi rapiécé, remarqua-t-il.
Quand ils étaient sortis du couvert des arbres, ils avaient
avancé en lignes compactes, bottes contre bottes, comme il se devait. Mais
rapidement ils s’étaient déployés. Leurs lances étaient levées et ne
s’abaisseraient pas en position d’attaque avant qu’ils se soient suffisamment
approchés de leurs adversaires. Un lambeau de flamme noire voletait au sommet
de l’une des lances. Les housses des chevaux leur battaient les flancs. On
entendait le cliquetis des armures, dont les éléments s’entrechoquaient, et le
martèlement des sabots. Ces derniers arrachaient de grosses mottes de terre
qu’ils projetaient derrière eux. La visière de l’un des cavaliers ne cessait de
se relever et de s’abaisser au rythme de son cheval. La charge se rapprochait.
Tous les cavaliers voulaient franchir le gué en son passage le plus étroit. Les
gerbes d’eau s’élevaient jusqu’aux selles.
Enfin, ils sortirent du gué. Dans l’intervalle, les hommes
de Robbie avaient disparu. Pensant avoir maintenant affaire à un ennemi paniqué
qu’ils allaient traquer, les cavaliers éperonnèrent leurs destriers. Les grands
chevaux martelaient la route. Ils commençaient à se déployer sur une large
ligne et à s’échelonner sur plusieurs mètres. Les premiers atteignirent la
borne de champ. Au même instant, sans se retourner, Thomas entendit le
roulement pesant de la charrette qu’on venait de pousser pour bloquer la route.
Il se redressa et, instinctivement, il attrapa une flèche
boujon au lieu d’un barbillon. L’homme à l’écu jaune et rouge montait un cheval
protégé par une jupe de mailles cousues sur du cuir. L’archer savait que les
« têtes larges » ne le traverseraient jamais. Il banda son arc. La
corde s’étira en arrière de son oreille. Et la première flèche vola. Elle
tremblota en s’arrachant à l’arc. Puis l’air stabilisa l’empennage en plume
d’oie et la flèche fila vite et bas pour aller se planter dans le poitrail du
cheval noir. Thomas avait déjà encoché une seconde flèche boujon sur sa corde,
bandé, lâché. Une troisième suivit. Du coin de l’œil, le jeune chef anglais
voyait les flèches de ses camarades voler. Comme chaque fois, le peu de
dommages apparents infligés par les premiers
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