L'Héritage des Cathares
portait l’épée à la taille et semblait s’en sentir mieux. Sans dire un mot, il sortit sa chemise de ses braies et la remonta sur son torse. Une vilaine cicatrice rouge le traversait en diagonale, déformant le nombril et le sein gauche.
— Tu m’as presque éventré, dit-il. Tu as transpercé un de mes hommes et en as décapité un autre. Tu avais l’air d’un possédé. J’ai juste eu le temps de rentrer le ventre pour éviter d’être transpercé. Mais j’en ai été quitte pour une vilaine entaille. Je me suis réveillé dans la même infirmerie que toi. J’y ai passé deux semaines.
J’étais sidéré. Sans même en avoir souvenance, j’avais presque tué Landric. Et pourtant il était là et m’avait promis fidélité. Je n’y comprenais plus rien.
— Pourquoi ne m’as-tu pas tué ? m’enquis-je. Tu en as certainement eu l’occasion.
— Moult fois, crois-moi, dit-il en rentrant sa chemise. Tu as dormi pendant tout le temps que j’y ai passé et ce n’est pas l’envie qui m’a manqué. Mais dame Pernelle avait formellement averti tous ses patients que tu étais, intouchable. Et comme tu t’en doutes, ce que dit dame Pernelle...
— Je l’imagine bien, oui. Malgré cela. Comment peux-tu. ?
— Lutter maintenant à tes côtés ? compléta-t-il. D’abord parce que j’ai rarement vu quelqu’un se battre comme toi. Tu es venu à bout d’Ugolin sans même y mettre tous tes efforts. Ensuite parce que les Parfaits t’ont choisi et que je me fie à leur jugement. Enfin parce que.
— Dame Pernelle, complétai-je à mon tour.
Il hocha la tête en souriant.
— Vous lui vouez tous une bien grande affection, on dirait.
— Elle nous a tous soignés un jour ou l’autre. Plusieurs d’entre nous lui doivent la vie. Chacun de mes hommes mourrait pour elle s’il le fallait. Ugolin plus encore que les autres.
Landric s’adressa à Pierre Roger.
— Mes hommes ont mangé et sont installés, sire. Nos chevaux sont à l’étable et les chariots sont déchargés. Devrais-je commander un entraînement ?
— M’est avis qu’il est grand temps que sire Gondemar évalue le savoir-faire de ses troupes.
— Mais où sont-ils donc, ces soldats ? m’enquis-je. Je n’en ai vu nulle part.
— Tu les as vus, mon ami, dit Cabaret. Ici, tous les habitants portent les armes, mais aucun ne vit par l’épée. Nous laissons ce luxe aux hommes du Nord.
Je passai le reste de la journée à m’entraîner avec les hommes et fus impressionné par la compétence de ces paysans dont le combat n’était pas le métier. Mais ils avaient néanmoins beaucoup de travail à faire pour résister à des soldats accomplis et je savais désormais que leur perfectionnement relevait de ma responsabilité. Dès le lendemain, je m’attelai à la tâche.
Chapitre 17 L’Aigle et le templier
J’eus plus de temps que je ne l’aurais souhaité pour me familiariser avec Cabaret. Près de quatre mois s’écoulèrent entre mon arrivée et celle des croisés. Je les occupai à compléter ma remise en santé et à revoir mille fois les préparatifs de la forteresse. Je ne m’étais jamais imaginé tenir un jour le rôle que Bertrand de Montbard avait joué auprès de moi, alors que je me sentais encore son élève. Mes actes avaient amplement démontré mon immaturité. Mais c’est pourtant ce que je fis. J’étais le maître d’armes de Cabaret et je devais me conduire comme tel.
J’ordonnai que chaque matinée soit désormais consacrée à des exercices rigoureux, laissant aux hommes le reste de la journée pour vaquer à leurs autres tâches. Ils durent passer les mois d’août et de septembre à voir aux récoltes dans la chaleur de l’après-midi au lieu de le faire dans la fraîcheur de l’aube. Par la suite, les contraintes diminuèrent. Utilisant Landric ou Ugolin pour faire mes démonstrations, je leur transmis de mon mieux les enseignements de Montbard, leur appris à frapper pour estropier plutôt que tuer, leur martelai dans la tête que l’important était de s’assurer qu’un adversaire ne soit plus en état de nuire, que là résidait leur survie. Je leur enseignai qu’une dague pouvait être une arme redoutable lorsqu’elle était enfoncée vers le haut dans l’abdomen ou dans l’aine, où se trouvait une grosse veine qui pisserait le sang. Je leur montrai à enfoncer leurs pouces dans les yeux de
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