L'Héritage des Cathares
leur camp, dit Pierre Roger.
— Ils n’allaient quand même pas attaquer de nuit, dis-je. Demain, à l’aube, ils avanceront.
— Par Dieu, ils seront bien reçus.
Je passai la nuit sur la muraille, dans le noir le plus complet. Par mesure de précaution, j’avais ordonné qu’on n’allume aucune torche qui pût offrir une cible aux flèches de l’ennemi. J’avais aussi exigé que l’on maintienne un silence total. Mais la nuit se déroula sans événement.
Les croisés de Montfort se mirent en marche dès l’aube. Ma première bataille comme capitaine des troupes cathares fut décevante. En compagnie de Pierre Roger, du haut des remparts, j’observai les adversaires qui gravissaient, deux par deux, le sentier étroit vers Cabaret. Il leur fallut une bonne heure pour franchir la distance. Lorsqu’ils atteignirent le sommet, ils se disposèrent en plusieurs rangées, à une cinquantaine de toises de la muraille.
Dans la lumière naissante, j’aperçus une haute silhouette à la crinière sombre qui gesticulait. De toute évidence, elle n’échappa pas non plus à l’attention de Pierre Roger. Il se tourna vers un soldat.
— Que l’on m’amène Bouchard de Marly.
L’homme hocha la tête et fit aussitôt demi-tour. Je souris en devinant ce que ce cabotin de Pierre Roger avait en tête. Lorsque le prisonnier arriva, encadré de soldats, le seigneur de Cabaret le saisit par le col de sa chemise. Puis il se tourna vers moi et me fit un clin d’œil.
— S’ils restent à cette distance, nous allons finir par nous ennuyer. Motivons-les à s’approcher.
Il se mit à hurler d’un ton narquois en secouant un peu son prisonnier pour faire bonne mesure.
— Montfort ! Espèce de bouc stupide ! Tu viens chercher ton cousin ? Allez, approche que je suspende ta tête au rempart !
Au loin, Montfort tourna brusquement la tête et son regard se fixa sur la silhouette de Marly. Même à cette distance, je pus lire sur son visage un air noir et sentir la colère qui émanait de lui. Ajoutant l’injure à l’insulte, Pierre Roger gifla Bouchard à quelques reprises. En bas, le chef des croisés aboya un ordre sec. Aussitôt, ses archers se disposèrent à l’avant. La provocation avait eu l’effet escompté.
— À vos écus ! ordonnai-je.
Comme un seul homme, les soldats de Cabaret levèrent leurs boucliers, formant une paroi étanche qui protégeait aussi les femmes, les enfants et les vieillards qui se trouvaient derrière eux. Je fis de même, ainsi que Pierre Roger, qui prit soin d’abriter le prisonnier qui lui était plus utile vivant que mort. La pluie de flèches qui s’abattit sur le chemin de ronde fut aussi inefficace que je l’avais espéré, la plupart des projectiles se fichant dans les écus. L’attaque dura près d’une heure, ininterrompue, jusqu’à ce que Montfort se lasse ou que ses archers soient à court de projectiles.
Dès que le ciel fut à nouveau tranquille, je fis rapidement le tour du chemin des rondes. Déjà, Pernelle avait retiré la pointe d’une flèche de la cuisse d’un soldat et y nouait un bandage bien serré. Je m’approchai d’elle.
— Combien de blessés ? m’enquis-je.
— Deux à part celui-ci, dit-elle en se remettant debout. Un homme égratigné au bras et une femme qui a reçu une flèche en travers du cou. Elle est déjà à l’infirmerie, mais je crains que nous ne puissions la sauver.
La voix de Landric retentit.
— À vos écus !
Je serrai Pernelle contre moi et levai mon bouclier pour nous protéger. Autour de nous, des flèches enflammées se mirent à tomber.
— Tous ceux qui sont désignés aux chaudières, à vos postes ! hurlai-je.
Des femmes et des vieillards se détachèrent des autres et se précipitèrent, qui vers les bâtiments inflammables de la place, près desquels des seaux pleins étaient entassés, qui vers le tuyau d’alimentation pour en remplir d’autres et assurer l’approvisionnement. Les flèches enflammées plurent sans relâche sur Cabaret. Celles qui tombèrent sur le chemin de ronde en pierre ne firent pas de dommages. Celles qui parvinrent à franchir la muraille menaçaient de causer de plus grands dommages. Armées de chaudières, les équipes désignées luttaient avec énergie pour éteindre les incendies naissants. Si les bâtiments principaux étaient en pierre, les secondaires étaient en bois et s’enflammaient rapidement. La
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