L'Héritage des Cathares
l’adversaire s’ils étaient désarmés. Cet entraînement rigoureux eut des effets bénéfiques sur ma santé et je retrouvai tout à fait ma force et mes réflexes.
Je terminais invariablement chaque séance en vidant un gobelet de vin ou une chope de bière fraîche en compagnie de soldats essoufflés, mais heureux d’avoir progressé. Je forgeai avec eux un lien que j’espérais assez solide pour survivre aux tensions de la bataille.
J’identifiai ceux qui étaient les moins susceptibles de porter l’épée. Je pris à part les plus maigrelets et les garçons qui n’étaient pas encore tout à fait des hommes et leur appris qu’ils étaient convertis en archers. Quelques-uns se renfrognèrent à la nouvelle, mais dès qu’une trentaine d’arcs eurent été fabriqués à la hâte, ils en découvrirent la puissance. Ils comprirent aussi que, comme il y avait peu de chances que les fantassins sortent de la forteresse pour combattre au corps à corps, ils étaient ceux qui en découdraient avec l’ennemi. Ils cessèrent donc de ronchonner et s’appliquèrent à la tâche. Après quelques semaines d’entraînement sous la férule de Landric, qui se révéla un redoutable archer, chacun d’eux pouvait atteindre une cible d’une coudée 1 de diamètre à dix toises de distance.
Je mis aussi les connaissances de Pernelle à contribution. À ma demande, on équipa chaque soldat d’un lacet de cuir et mon amie leur apprit à en faire un tourniquet qui les empêcherait de saigner à mort s’ils étaient blessés. Elle enseigna aussi aux femmes et aux vieillards à le faire en cas de besoin. Nos forces étaient limitées et nous devions accroître les chances de survie de chacun de nos hommes.
Après quatre mois de ce régime quotidien, les progrès étaient palpables et, en novembre, je pus affirmer avec fierté que les troupes de Cabaret étaient prêtes plus qu’elles ne le seraient jamais, au grand plaisir de Pierre Roger, qui était tout sourire.
Les armes, forgées sur place, étaient neuves et solides. Les armures étaient rutilantes. Les chevaux étaient peu nombreux, mais dans un lieu retranché comme la forteresse, ils avaient une utilité limitée. Il ne s’agissait pas de combattre sur un terrain plat, mais d’empêcher l’assaillant d’entrer, et je n’avais aucune intention de tenter une sortie qui pourrait s’avérer suicidaire. La survie se trouvait derrière la muraille.
Me remémorant les récits que Montbard m’avait faits des places fortes de Terre sainte, j’implantai plusieurs mesures défensives de base qui mettaient à profit l’entière population. Je fis appel aux vieillards les plus débiles et les chargeai d’entretenir les feux jour et nuit pour que des chaudrons d’huile bouillante soient toujours prêts. Le moment venu, les vieux les plus vigoureux auraient la charge de transporter par équipes de quatre le liquide au haut des murailles. Je fis aussi ajouter des becs aux vasques de fonte installées au sommet des remparts afin qu’elles puissent déverser leur contenu sur les assaillants avec précision.
J’ordonnai encore que les maçons arrondissent des pierres de bonne taille pour en faire des boulets qu’on empila à intervalles réguliers sur le chemin de ronde. J’exerçai les femmes et les enfants à s’y rendre en vitesse pour les faire pleuvoir sur l’ennemi grâce à des glissières en bois montées sur des pivots que je fis construire par les menuisiers et installer entre les créneaux. Ce seraient aussi les femmes et les enfants qui seraient responsables des ravitaillements en eau et en nourriture en cas de siège. Je fis raccorder à la citerne un long tuyau de bois qui menait jusqu’au centre de la place et auquel pourraient être remplis des seaux en cas d’incendie. Tous les récipients utiles furent regroupés et distribués, pleins, à travers la forteresse. Je formai des équipes de femmes et de vieillards qui seraient chargés de lutter contre le feu. Il fut convenu que, le cas échéant, tous les blessés encore valides se joindraient à l’une ou l’autre des équipes et contribueraient de leur mieux.
Les Parfaits ne furent pas ignorés. Comme ils rejetaient la violence, leur tâche serait naturellement de soigner les blessés et, à cette fin, une infirmerie fut aménagée au rez-de-chaussée du donjon, sous les quartiers de Bouchard de Marly. Quiconque serait libre parmi les femmes, les enfants et les vieillards devrait y
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